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26 décembre 2012 3 26 /12 /décembre /2012 21:20

Que ceux qui fréquentent ce blog et y prennent plaisir, aient une pensée pour mon papa :

 

 MonsieurPapa

Ernest A.  CHRISTIANE

 Dit Netto

époux de Madame Paule BROUWERS

Agronome

 Ancien Agent Lever au Congo/Zaïre

Décoration militaire de deuxième classe

Médaillé d’or du mérite civil (Zaïre)

Chevalier de l’ordre de Léopold II

 

Né à Dison le 28 avril 1934 et décédé à Uccle le 4 décembre 2012

 

Afin que son blog lui survive, je publierai les textes que je pourrais trouver, qui seraient  rédigés de sa main et pas encore publiés .

 

Son Fils                                                             

 

                                                  Marc

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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 10:56




Le pardon sans l’oubli... la grandeur des Justes

    Le  dialogue, le tête-à-tête franc sincère entre deux personnes de bonne foi, la lecture de textes traitant de sujets hors des sentiers battus, permettent le développement de germes, d’embryions de réflexion qui, poussés à leurs extrêmes, peuvent être parfois assez interpellants .
    Comment ne pas en profiter lorsqu’on en a, trop rarement, l’occasion ?
    Ces bases de réflexion  ont toujours un côté positif et une issue des plus riches à partager, évidement, avec les amis intéressés, rationnels, captivés, voir passionnés mais toujours sincères.
    Ne vous méprenez pas, loin de moi l’idée d’un certain élitisme, tout le monde et n’importe qui a son avis personnel, son approche spécifique des problèmes de la vie, des évènements de l’actualité.
    Il faut savoir les accepter, les déchiffrer, les décoder, les traduire, éventuellement les développer et surtout avoir l’ouverture d’esprit, la modestie, l’humilité  nécessaire pour comprendre que personne n’a l’apanage de la vérité stricte, indivisible, consubstantielle et unique.
   
    Il y a quelques temps, j’ai écrit un texte que j’ai placé sur mon blog.
    Je l’avais intitulé : “Les six vérités”.
    Chaque phénomène peut être décrit, disais-je, de six manières différentes parce qu’au fil du temps le témoin réfléchi, essaye de comprendre et petit à petit, son esprit évolue, sa manière de voir se confond tant soit peu, avec l’auteur, l’acteur principal du phénomène.

    Dans le cadre de mes dialogues, il y a longtemps déjà, j’ai eu l’occasion de discuter quelques trop courtes heures avec un Monsieur qui avait vécu une période dramatique, tragique de sa vie en 1944.
    Il était, lui et sa famille, originaire de l’île de Rhodes et il avait ainsi que 1.867 autres citoyens de cette île, été déporté par ruse à Auschwitz-Birkenau pour des raisons d’appartenance culturelle, cultuelle, raciale, génétique.
    Après 17 jours de voyage à fond de cales puis dans des wagons plombés, ils arrivent enfin à Auschwitz.
    Lui, âgé de 17 ans en pleine forme, une force de la nature, est trié, choisi,  sélectionné pour le travail.
    Le reste de sa famille proche, sa petite sœur, son père, sa mère ses oncles sont acheminés vers leur destin, là où le travail rend libre, la chambre à gaz et le four crématoire.
    De loin, discrètement, un petit geste de la main est échangé, une larme essuyée rapidement afin d’éviter de se faire remarquer par la chiourme, et un “shema Israël” murmuré dans la tristesse.
    C’était fini, tous, ils sont partis vers leur triste destin, vers le brouillard de la nuit concentrationnaire nazie.
   
     Durant six mois, le seul survivant de la famille, ce garçon de 17 ans, va être exploité, affamé, épuisé, usé jusqu’à la limite de ses forces dans une usine de matériel de guerre.
    Esclave des temps modernes, et lorsque, en janvier 1945, il sera évacué devant la poussée des troupes soviétiques, il pèsera encore 30 kilos.
    Son calvaire ne sera cependant pas encore fini, accompli, terminé, loin de là, il devra marcher et encore marcher par vingt huit degrés centigrades sous zéro, en pyjama, les pieds dans des pantoufles élimées ou entourés de vieux journaux pour éviter le gel et la gangrène; triste participant à ce que l’on appelé les sinistres marches de la mort.
    Aucune faiblesse n’est admise: si un de ces malheureux s’affaisse sur les genoux, titube, oscille, vacille, chancelle, s’arrête un instant, il a droit à une balle de révolver dans la nuque et son  cadavre sera abandonné, pathétique dépouille héroïque, respectable, dans le fossé.
    De camps en camps, il finira par être libéré, réhydraté, réalimenté, réconforté, consolé, soulagé, par la croix rouge, et évacué vers la Belgique.
   
    Ensuite, il trouvera des membres de sa famille lointaine pour l’accueillir au Katanga dans l‘espoir de refaire... non ... de commencer sa vie active.
    Deux ans, il lui a fallu deux ans, avant de retrouver ses marques... cet homme a souffert entre sa faiblesse physique et les visions, les fantômes qui le visitaient toutes les nuits.
    Lorsque je lui ai posé la question de savoir quelles étaient maintenant, un demi-siècle plus tard, ses relations avec les Allemands, il m’a fait cette réponse étonnante mais admirable: “J’ai pardonné, mais je ne sais pas oublier”
    Un juste, un homme de qualité, j’avais devant moi quelqu’un d’exceptionnel qui a droit à tout notre respect.
    Shalom Alberto.. Shalom mon ami.

    Au cours du mois de juin  2012, un vent favorable m’a laissé en lecture un rapport de quarante pages.
    Ce dossier relate la vie quotidienne d’un groupe d’une quarantaine d’Européens durant le second semestre 1964 dans la partie Nord-est de la République du Congo.
    Vous l’aurez compris: ils étaient prisonniers ou otages des hordes mulelistes qui dévastaient la région.
    Quasiment au jour le jour, la Révérende Sœur rédactrice a essayé de nous faire parvenir la suite des évènements, des appréhensions, des craintes, des peurs, des menaces, des terreurs qu’ont subis ces pauvres gens.
   
    Ils ont été occupés le 4 aout 1964; une administration remplace une autre, avec la différence que les nouveaux arrivés ont comme but de faire table rase de la structure administrative existante en exécutant tout ce qui avait une certaine autorité  dans la région.
    C’est ainsi que, dès le premier jour de l’occupation, des centaines de dirigeants ayant tant soit peu d’autorité sous “l’ancien régime” ont été froidement mis à mort, passés par les armes, ils étaient “manteka”.

    Et les expatriés dans cette tragédie ?
    Ils ont été priés de n’intervenir à aucun moment, de continuer à travailler, si possible, comme d’habitude.
    Cela a fonctionné tant que les mulelistes progressaient, qu’ils avaient confiance en leurs chefs qui leur avaient promis l’invulnérabilité,  l’invincibilité au combat.
   
    Mais bientôt, à  partir de fin  octobre,  la victoire a changé de camps:  le Premier Ministre de la République du Congo, Moïse Tshombe, a recruté des militaires chevronnés, étrangers, ce que nous appellerons des mercenaires qui ont encadré les troupes congolaises  encore fidèles et, sur trois axes, ont reconquis le pays, convergeant vers Stanleyville.
    De Boende, de Gemena et de Kamina la pression irrésistible d’une troupe, un tant soit peu plus disciplinée que l’autre, celle des simbas, a vite fait apparaitre la soi-disant invincibilité au combat comme étant un leurre, un mirage, un tragique mensonge.
    Dès lors, le semblant d’ordre, le respect des dirigeants, la discipline parmi les simbas (lisez “Mulelistes”) laissa de plus en plus à désirer.
    Le sommet de ce découragement eut lieu le 24 novembre lorsque les para-commandos belges ont investi Stanleyville, en même temps que la colonne venant de Kamina arrivait par la route tandis que deux poussées, celle venant de Boende et l‘autre de Lisala - Aketi progressaient elles aussi vers la capitale rebelle.
    Deux jours plus tard, le 26 novembre, ce fut le dropping sur Paulis.

    S’en était fini de l’euphorie, la gaieté, l’optimisme de la victoire, le reflux, la fuite, la débandade, la panique parmi les rebelles transformèrent le semblant d’unité de leur troupe en une série de bandes de hors la loi qui, semant la terreur, tracèrent un long sillon sanglant le long de leur itinéraire de retraite vers le Nord-est, vers le Soudan, la République Centre-Africaine ou l’Uganda.
    Embastillées dans un sinistre cachot, neuf des onze Révérendes Sœurs de la congrégation qui nous occupent ont été exécutées par balles, trois malades européens ont aussi été fusillés à l’hôpital.
    Le reste de la communauté, une quarantaine de personnes ont été rassemblées dans le mess des officiers ou un “colonel” en fuite de Paulis attablé devant un repas, buvant du whisky, a invectivé, insulté, vilipendé l’assemblée en injuriant les Belges et de temps à autre donnait l’ordre à l’un deux de sortir.
    A peine sur les marches du bâtiment, le malheureux était assassiné d’une rafale de mitraillette.
    Le reste des otages était pétrifié: ils savaient que leur dernière heure était venue, et le “colonel” ne s’en cachait pas.
    Un jeune Belge, ancien para, a bousculé les exécuteurs et le reste des otages a pu s’enfuir dans la nuit profitant de leur connaissance du terrain et de l‘obscurité régnante.
   
    Durant trois semaines ils se sont terrés dans la brousse, dans des cagibis oubliés, mais heureusement aidés par des collaborateurs congolais dévoués, le personnel infirmier, le personnel de maison, des amis, et même certains “rebelles“ au grand cœur.
    Il faut insister sur cet élan de gens de bonne volonté qui ont, bénévolement, par sympathie, risqué leur vie et celles de leurs familles pour nourrir, soigner, informer, réconforter, apaiser, soulager ces fugitifs dépossédés de tout.
   
    Et puis changement d‘atmosphère: les autorités politiques rebelles en fuite, acculées à se réfugier à l’étranger décident que tous les Européens rescapés, cachés, auront la vie sauve, qu’ils seront ramenés aux frontières sous protection et rapatriés dans leur pays d’origine.
    Ils voulaient vraisemblablement se protéger, donner un gage, un aval, une garantie de bonne volonté envers la communauté internationale.
    Cela était dit, les ordres étaient donnés par la plus haute autorité administrative et militaire; mais compte tenu des impératifs administratifs, la longue route se prolongera encore durant un mois.
    Un mois durant lequel protégé par un petit groupe de simbas, ils traverseront des grappes, des essaims d’autres mulélistes guère convaincus de la nécessité de laisser s’échapper ces Européens; ils seront encore l’objet de brimades, de menaces de mort à tel point que chaque passage de rivière, était, chez les réfugiés un moment d’angoisse...
    Le camion allait-il continuer sa course ou s’arrêter pour exécuter quelques prisonniers et les jeter en pâture aux crocodiles suivant une habitude maintenant connue de tous ?
   
    Finalement, ils se retrouveront libres à Juba, à Khartoum puis à Bruxelles.
    Ils avaient passé 160 jours, agonis d’injures, pourchassés, traqués, tourmentés, journellement menacés de mort, certains d’entre eux y avaient laissé la vie.
    Et pour les Dames, une éternelle position de défense pour éviter le viol car la sollicitation sexuelle était quasi omniprésente.
    Un camion qui passait, des mouvements de foule, des cris dans les environs, des rafales d’armes à feu leur glaçait chaque fois le sang... n’étais-ce pas à leur tour de mourir ?     
    Tous les matins, en se levant de leurs paillasses en feuilles de maïs, ils ne savaient s’ils seraient encore en vie le soir... 160 jours...

    Moins d’un an plus tard, cette Révérende sœur est repartie pour “reconstruire” et c’est là qu’elle a rencontré un des tourmenteurs des plus sanguinaire de la rébellion.
    Cet homme, un ancien commissaire de police, n’avait pas que les mains couvertes de sang de plusieurs dizaines de Congolais ex collègues,  mais il avait du sang jusqu’aux coudes au moins.
    La Révérende Sœur, c’est presque incroyable, a eu un élan vers lui, elle voulait lui donner son pardon, le réconforter et elle n’en a pas eu le courage.
    Elle a fondu en larmes de déception, de dépit, de tristesse, de chagrin, d’un sentiment profond qu’elle n’avait pas su exprimer, elle aurait tant voulu lui dire que tout ce qu’il avait fait elle pouvait le pardonner.

    Je ne puis donner mon opinion sur cette Révérende Sœur, sur cet élan d’amour et de pardon envers le pire criminel qu’elle ait peut-être jamais rencontré.
    Tout comme mon ami Alberto, elle pardonnait mais n ‘avait pas oublié.

    Je suis laïque
    Je suis agnostique
    Je suis athée
    Mais dans mon cœur, cette Révérende Sœur est une Sainte femme que je me dois d’admirer et de respecter au delà de toute considération philosophique qui serait bien mal venue dans de telles circonstances.

    Une question se pose naturellement à ce stade : Comment aurais-je réagi ?
    Aurais-je pu, après quelques années de réflexion pardonner à mes tourmenteurs ?
    Il est évident qu’après avoir subi de telles épreuves, on en arrive à réfléchir au sujet du mécanisme, des sentiments qui ont imposé ces ignominies.
    Petit à petit, on peut être amené à se mettre en condition, à la place des bourreaux et atténuer, non pas la bassesse de leurs actes, mais les raisons profondes, les germes de ce qui les ont poussés à agir de manière aussi cruelle envers leurs contemporains.
    Cela n’explique pas tout, cela n’exclu pas les souvenirs voir la colère, mais cela peut ouvrir d’autres portes à la compréhension.
    Lorsque nous lisons, écoutons ou visionnons les informations judiciaires, les réactions à la sortie des cours de justice au niveau des Assises, on peut parfois être choqué par la réaction des parties civiles.
    Ils ont eu gain de cause, parfois plusieurs années après les faits, ils exultent, ils ont enfin leur vengeance...  leur VENGEANCE ! ! !
    Est-ce bien le rôle de la justice d’assouvir la vengeance des parties ayant subit un préjudice ?
    Pensons à la justice Gaçaça au Ruanda qui, en vingt ans, a réussi à démêler une partie des écheveaux du terrible génocide de 1994 en laissant non pas une satisfaction totale dans le pays, mais un apaisement qui, à ce sujet, semble avoir ramené une certaine sérénité parmi la population.
    Il y a eu rupture de contrat entre un ou un groupe d’individus et la Société à laquelle ils font partie, et cela doit être réparé.
    Il y a eu un dol envers un membre de cette Société, et cela doit être réparé.
    On peut comprendre le chagrin d’une famille qui a perdu l’un des siens.
    Cependant, il y a aussi des “reconnus coupables” qui ne présentent plus aucun danger pour la Société ni pour ses membres.
    Alors, comment expliquer, comment surtout donner raison à cette haine, à cet esprit de vengeance, à ce contentement ou plus souvent encore à ce sentiment de frustration devant une peine de prison qui ne soit pas maximale.
    On ne peut pas demander à chacun de pardonner, ce sentiment peut venir après de longues années, de longues décennies parfois.
    Mais une certaine empathie finit certainement par exister, avec le temps, entre la victime et son bourreau.
     La haine, l’esprit de vengeance s’atténuent même si les souvenirs ne s’estompent pas facilement.
    Combien de personnes dans notre humanité du XXI ° Siècle sont-elles capables de pardonner après quelques décennies ?
    Je n’en sais rien mais suppose qu’il y en a bien plus que suggéré par les médias et par les tribunaux.
    D’ailleurs, les juges, et je ne parle pas nécessairement des cours d’Assises dont le jugement doit prendre avis d’un jury, et qui parfois font penser à un lynchage, mais je parle de juges professionnels qui “jugent en leur  âme et conscience” et dont les peines sont souvent bien plus modérées faisant preuve d’un humanisme de haut niveau mais hélas ! Attirant souvent l’ire du lecteur, du téléspectateur et plus souvent encore de la partie demanderesse.
    Je ne peux d’ailleurs répondre si, dans mon cas, j’aurais la force morale de pardonner toute grave offense que l’on aurait pu me faire.
    Lorsque l’on dit que l’Homme est un loup pour l’Homme, je vous dirais que c’est probablement vrai mais qu’il y a beaucoup, beaucoup d’exceptions.
    Et c’est bien comme cela.

    Je ne sais si tous mes amis auront compris mon message, je ne me fais guère d’illusions, il y a tellement de variables: variables des faits, du temps écoulé et du caractère de chacun.
    Mais il ne m’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre.


                                                                                                    E.A.Christiane
                                                                                         Anderlecht, le 23.07.2012

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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 10:33

Tambours - Téléphone

    C’est fin septembre 1960 que j’ai croisé, au bac de la Lindi à quelques kilomètres de Stanleyville, cet homme éminent: John F. Carrington.
    Je me rendais à Basoko, lui venait de la mission de Yalemba et se rendait à Stanleyville.
    Il était là, vieillard chenu, mais toujours très représentatif et attendant que le bac se libère.
    Le Révérend Carrington,  qui avait vécu à la mission de la Baptist Missionary Society à Yakusu de 1938 à 1950, puis à la mission de Yalemba depuis 1951, était pour moi un homme célèbre.
    Je l’ai courtoisement salué, mais, impressionné, je n’ai pas osé, dans mon anglais approximatif, engager une conversation.

    Depuis longtemps, je connaissais ses activités:
    Je ne pourrais dire s’il était un grand scientifique bardé de diplômes ou simplement un missionnaire passionné par la connaissance des populations au sein desquelles il vivait.
    A son arrivée dans la région, il avait été frappé par le manque de possibilités de communications: pas de téléphones satellitaires, évidemment.
    Il avait réuni à  la mission de Yakusu, puis de Yalemba par la suite, des groupes de jeunes gens d’origine Lokele, puis ToPfoke, puis BaSoo auxquels il donnait non seulement des cours sur la connaissance de leurs dialectes respectifs, sur le vocabulaire, sur des règles grammaticales, en plus, il développait et enseignait à ces jeunes recrues, la technique de la transmission des informations par les tambours-téléphone, que nous, Européens, appelons communément le Tam-tam.
    D’après Wikipédia, il y aurait eu environ 200 élèves dont seuls 10 % auraient acquis la technique de la transmission par tambours-téléphone: devenir des vrais batteurs de gong.
   
Les gens du gong

    Toute l’Afrique au sud du Sahara vibre au son des tambours.
    Nous avons vécu dans la région de Basoko-Isangi et je me permets de reprendre une nomenclature ethnologique dont je ne revendique aucunement la paternité.
    Certains auteurs qualifient de “gens du gong” sur le haut fleuve Congo trois ethnies importantes: les Lokele, les ToPfoke et les Turumbu.
    Issues d’un ancêtre commun possiblement mythique appelé Eondja-Ondja.
    Il aurait donné naissance à trois lignées importantes toujours bien présentes sur le terrain:
   
1.- Le fils ainé “Wembe” :
    Géniteur des YaWembe, plus connus sous le nom de Lokele, nom dont l’origine est parfois contestée.
    Lokele viendrait du nom d’une moule d’eau douce qui peut servir de cuillère d’où serait issu, en lingala, le substantif “keli” qui veut effectivement dire cuillère.
    En principe, les Lokele sont des gens d’eau qui vivent en famille regroupés dans plusieurs grandes pirogues, accolées les unes aux autres, que nous retrouvons entre Stanleyville et Bumba, parfois plus en aval encore.
    Ces gens du voyage, riches de leur commerce, de leurs trafics et bien nourris par la générosité du fleuve sont très métissés du fait même de leur mobilité et des contacts qu’ils ont toujours eus et qu’ils ont toujours, non seulement avec les riverains du fleuve et des rivières affluentes, mais aussi avec quantité de voyageurs, dont les arabisés, qui depuis plus de cent cinquante ans fréquentent ou parcourent la région d’Isangi.
    La mobilité de l’ethnie Wembe ne les a pas empêché de créer, le long des cours- d’eau qu’ils fréquentent, de très nombreux villages dans lesquels vivent non seulement de vrais YaWembe mais aussi quantité d’individus d’origines différentes tels que ToPfoke, BaMbole, BaSoo, YaNongo, MoNgandu etc..
    Ils ont empruntés le mode de vie des Lokele et sont classés comme “Lokele d’origines diverses” , bref, des pseudo-Lokele.

2.- Le second fils d’Eondja-Ondja:
    Eso, ou Ipoke     aurait généré la puissante ethnie des ToPfoke.
    Gens de terre qui se sont installés de part et d’autres de la rivière Lomami dans sa partie proche du confluent avec le fleuve Congo, ils se sont étendus loin vers l’ouest au-delà de la rivière Lokombe jusqu’à leur voisinage avec les MoNgandu.
    Il s’agit d’une ethnie rustique, puissante, fortement et diversement tatouée, belliqueuse, dynamique, active et peu disciplinée.
    Il y a eu longtemps divergence de vue entre eux et les YaWembe afin de savoir qui était l’aîné de la descendance d’Eondja-Ondja.
    Cette palabre aurait été tranchée à la demande des intéressés en 1928 par l’Administration Coloniale établie à Isangi.
    Elle aurait donné la primauté à Wembe.
    Cette décision semble avoir été acceptée avec le temps, mais chez certains ToPfoke un doute subsiste toujours par le fait que les Wembe, pragmatiques, avaient d’excellentes relations avec l’autorité coloniale.
    Par exemple: tout homme valide devait, à l’époque, fournir une certaine quantité de produits agricoles, accomplir certains travaux d’intérêt général, cultiver une certaine surface de cultures vivrières et/ou d’exportation.
    Les Lokele en étaient exemptés et devaient assurer le transport fluvial du personnel et des marchandises de la colonie.
    Cette promiscuité avec les autorités locales et les amitiés inévitables qui pouvaient en résulter ont parfois fait dire aux ToPfoke que le jugement de 1928 était douteux et pouvait manquer d’équité.

3.- Le troisième fils, Bolimo:
    Aurait généré la lignée des Mboso, appelés aussi BoLimo ou Turumbu.
    Ils se sont établis en majorité sur la rive droite du fleuve entre Yangambi en amont et la rive gauche de l’Aruwimi en aval, jusque Basoko.
    Ils s’étendent loin au Nord jusqu’à la limite du territoire de Banalia.
    Ce sont des gens de la forêt pacifiques, mais industrieux.

    Ces trois ethnies, à tort ou à raison ont la réputation dans la région du moyen du haut Congo d’être des spécialistes de la transmission de messages par le biais du gong, des “tambours-téléphone”.
    Nous avons vécu dans cette région durant treize ans et nous voulons bien croire en cette réalité.
     Tôt le matin, dès le lever du soleil, jusque bien longtemps après le coucher de celui-ci, il ne se passe pas une heure sans que ne vibrent les appels de joie ou de tristesse portés par le son du Tam-tam.
   
L’harmonie de la communication verbale

    Il y a, de par le monde, plusieurs centaines, voire des milliers de langues et de dialectes dont chacun a ses particularités propres.
    Certaines langues sont chuintantes, tel le portugais ou le tshiluba, gutturales en ce qui concerne les langues germaniques, difficiles à saisir telles les langues nordiques ou slaves.
    L’Italien est la langue de la joie et de la chanson, l’espagnol est pathétique, le français était la langue de la diplomatie, l’anglais est universel et est toujours celle de la technique.
    Il y a aussi les langues d’origine asiatique qui, pour nous, occidentaux, demandent un effort particulier et beaucoup de bonne volonté pour être assimilées.
    Il y a des langues qui s’écrivent de gauche à droite, d’autres de droite à gauche voire de haut en bas.
    Il y en a qui s’écrivent sur base syllabique, telles les langues sémitiques ou alphabétique, celles que nous, occidentaux connaissons.

    Sans être linguiste, la pratique de la langue des BaNgala, originaires des berges de la rivière Mongala, affluent de droite du moyen Congo, me permet d’apprécier la douceur et la fluidité des expressions usuelles appliquées par ces ethnies.
    La langue des BaNgala, le lingala s’articule autour d’un noyau monosyllabique auquel s’ajoutent préfixes et suffixes, permettant de développer une grande richesse grammaticale tandis que le vocabulaire, surtout technique ( et c’est normal) est plutôt limité.
    Le rôle de toute langue est de donner à des groupes d’individus la possibilité  de communiquer entre eux suivant des codes, des habitudes, des règles convenues permettant la compréhension.
    L’ordre impératif d’un policier qui vous demande vos papiers à un carrefour est, dans toutes les langues, assez peu encourageant.
    Il en est de même lorsque l’on donne ou reçoit des instructions ou à la lecture d’un rapport technique ou juridique.
    L’âme d’une langue se dévoile lors de discussions amicales, à bâtons rompus, entre amis, sereins, en paix avec leurs consciences et heureux de se rencontrer.
    Dans la cuvette congolaise, lorsque sur le sentier entre le village et les champs vivriers deux amis se croisent, ils se saluent courtoisement et, sans trop s’attarder, continuent leurs chemins.
    Le dialogue n’est cependant pas rompu, ils vont continuer durant une ou deux minutes, cheminant chacun de leur côté, à tenir une brève conversation.
    Et cela donne à peu près ceci:
- O kenda wapi
ôôôô  ? en français: Où vas-tu ?
- Na kei kopesa mbote na maââma na ngai
ôôô ! mpe na leki na ngai ôôô !
   En français: je vais saluer ma mère ainsi que ma petite sœur.
- Kenda malamo
ôôô ! En français: bonne route.
- Yo mpe otikala malamo
ôôô ! En français: Toi même, bonne continuation.

    Qu’importe si les détails du vocabulaire ne sont plus exactement saisis: la vibration, le rythme, l’harmonie de la phrase reste en suspension dans l’air et est toujours compréhensible pour les deux interlocuteurs.
    Les langages de la cuvette  centrale congolaise, au risque de me répéter, sont doux et harmonieux.
    Ces gens ne parlent pas, ils chantent.
     
Du rythme de la parole au rythme de la percussion

    C’est sur ce principe que la transmission par le gong ou tambour me semble basée.
    Il y a dans chaque village, à proximité de la résidence du chef, un abri, sous lequel est installé le gong de transmission des nouvelles avec les villages voisins.
    Ce gong peut-être de dimensions  considérables.
    Il est posé sur des rondins ou encore, suspendu par des lianes.
    Il mesure parfois deux mètres de long et quatre-vingt centimètres de diamètre.
    Il est constitué d’un tronc d’arbre évidé qui sert de caisse de résonnance avec une ouverture large de quatre à cinq centimètres par laquelle est passée toute la matière interne du tronc.
    Les deux lèvres de cette ouverture sont d’épaisseur différente permettant ainsi lorsqu’ on les frappe d’émettre, l’une un son grave et l’autre un son aigu.
    Le choix de l’arbre est important: il doit être résistant, souple, ne pas se fendre et facile à évider.
    En général, il s’agirait d’un arbre de la famille botanique des sterculiacées, mais je ne voudrais pas trop m‘avancer sur ce détail.
    Les maillets de frappe ont moins d’importance; souvent, pour éviter d’abîmer le tronc, ils sont entourés, bardés à une de leur extrémité, de bandes de caoutchouc naturel.
    Ce caoutchouc donne à la frappe une tonalité plus douce, plus feutrée.
    Il est évident que ces instruments de percussion n’ont pas, du point de vue harmonie, la même précision que les instruments de musiques modernes.
    Variable suivant les dimensions du gong, l’âge du tronc au moment de l’abattage, sa structure, sa densité, il est quasi impossible d’avoir une homogénéité des sons émis dans la même région.
    Chaque village a donc sa signature à travers le gong et il n’est pas nécessaire à un batteur averti de demander l’identité de son correspondant.
    Dans les villages du haut fleuve qui ont gardé leurs traditions, deux personnages ne quittent jamais le village et ne risquent pas ainsi d’avoir un accident de chasse ou de pêche.
    Il s’agit du griot, du “conteur“, un ancien qui, le soir à la veillée, devant une assemblée attentive et respectueuse enseigne l’histoire de la tribu, du village.
    Vérités, anecdotes ou fantasmes, peu importe, les plus jeunes peuvent ainsi acquérir une mémoire ethnologique, apprendre l’histoire de la collectivité, les luttes, les guerres, les victoires et connaître les problèmes de terre qui ne sont pas rares.
    Le second est le batteur de gong.
    Il a acquis la technique et les secrets de la transmission de l’information.
    Il connait tous les correspondants à dix ou douze kilomètres à la ronde et peut, à tout moment, entrer en contact avec eux.
    Ils ne sont pas tous de même qualification, mais chaque village a son batteur de gong.
   
    Ceux qui  ont vécu comme nous dans la brousse profonde, se souviennent du son des tambours qui, tard dans la nuit, animent une fête ou une simple libation.
     L’Afrique profonde palabre.
    L’Afrique profonde chante.
    L’Afrique profonde danse.
    L’Afrique profonde ne s’ennuie jamais.
   
    Ce n’est cependant pas de cela que je veux parler.
    C’est tôt le matin, dès l’aurore, lorsque les tous premiers rayons du soleil s’efforcent de percer le reste des ténèbres de la nuit que cela commence.
    L’air est déjà chaud, l’eau du fleuve est toujours froide et une brume de plusieurs dizaines de centimètres recouvre la masse liquide.
    Des pêcheurs, déjà au travail, émergent de cette brume, silhouettes déformées par la réfraction et paraissant à la fois proches et lointaines, surdimensionnées, des géants de trois mètres de haut qui semblent comme autant de Jésus-Christ marcher sur les flots.
    Peut-être en était-il et en est-il toujours de même sur le lac de Tibériade...
    C’est à ce moment que le son est le plus porteur.

    Et cela commence ainsi:
- Touk-  Touk-  Touk- : un batteur de gong est réveillé et s’enquiert des collègues des autres villages.
    Et la réponse vient:
- Touk- Touk- Touk-    Touk- Tik-  Touk- Tik : grave aigu - grave aigu, qui se traduirait en lingala par noki - noki. En français: vite - vite.
    Et l’autre de répondre:
- Touk-   Touk-   Touk-    Touk-   Touk-   Tik-
     Oh!      Oh!      Oh!       Ma        lem      be
   En français: Oh! Oh! Oh! Doucement (effectivement, aucune raison d’être pressé si tôt le matin).

    Le dialogue peut commencer et d’autres intervenants se présentent rapidement.
    Vous me direz que c’est assez peu précis comme technique de transmission et vous avez raison.
    C’est là que tout le professionnalisme du batteur de gong entre en jeu.
    Il essaye de transmettre à ses élèves du village la technique de la transmission  par la modulation précise du rythme de percussion, ainsi que par la recherche de périphrases pour autant que faire se peut éviter toute ambigüité.

    Je voudrais citer deux exemples:
- En français: Les enfants sont partis en classe, ,ils sont partis étudier.
  Ce qui donne en lingala :
Ba        na      ba      keï      na      cla       ssi,  ba       keï   ko       te       ya
Touk- Touk- Touk- Tik- Touk- Touk- Tik- Touk- Tik- Touk- Touk- Tik
    La transmission est ainsi faite par une succession de sons graves et aigus.
   
- Un autre exemple qui ne m’est pas personnel, mais que j’avais trouvé, il y a
   cinquante ans, dans une brochure spécialisée.
   C’est un exemple en langue française, ce qui est plutôt inadéquat mais explicite
   quand même.

   “ Il       é        tait   a         ssis  là “ ce qui pourrait donner par la magie du gong:
      Tik- Touk- Tik- Touk- Tik- Touk-
   
    Si on veut insister sur le fait qu’il était assis ( et non pas debout), on double le
    rythme de la percussion sur les deux syllabes de “assis”.
    Ce qui donne:

    “ Il      é         tait   a                     ssis            là”
       Tik- Touk- Tik- (Touk-Touk-) (Tik-Tik-) Touk-

     Si l’on veut insister sur le fait que c’était “là” qu’il était assis et non pas autre
     part, on double la dernière voyelle.

    “ Il      é         tait   a         ssis  là”               ce qui se traduit par:
       Tik- Touk- Tik- Touk- Tik- (Touk-Touk-)

    On voit de cette manière qu’un bon batteur de gong est capable de moduler ses phrases avec beaucoup de précisions.
    Généralement, dans les villages, le chant des gongs est compréhensible par tous les adultes et même les adolescents.
    Peu d’entre eux, cependant, sont capables d’émettre valablement et les maîtres sont rares.
    Dans la région d’Isangi, les enseignants savent qu’ils doivent exiger le silence le plus absolu lors des examens ou des interrogations écrites car il n’est pas rare d’entendre un léger pépiement, modulé entre la langue et les incisives et qui donne aux amis la réponse aux questions posées.

    Certains maîtres de gong, hautement qualifiés, communiquent parfois en utilisant qu’une seule lèvre du gong.
    Le rythme et l’harmonie de la frappe suffisent à diffuser l’information.
    C’est de la haute technique.. de l’art.

    Nous l’avons dit: la portée du son est variable et le contact régulier se fait entre villages distants de 5 à 12 kilomètres, mais parfois beaucoup plus loin suivant les conditions atmosphériques.
    Evidemment plus la distance augmente, moins il y a de précisions et plus il y a d’erreurs.

    Mais qui suis-je pour vous expliquer tout cela ?
    Toute l’Afrique centrale, non seulement dans la cuvette, mais bien au-delà, vibre au son des tambours, transmet des informations par le Tam-tam.
    Ne dit-on pas qu’en 1901, la nouvelle de la mort de la reine Victoria était arrivée à Nyangwe sur le Lualaba trois mois avant la dépêche officielle ?
    Mon épouse et moi-même avons vécu durant treize ans dans une région où les tambours étaient omniprésents.
    Cela nous a questionné, nous nous sommes interrogés, nous nous sommes renseignés, on nous a expliqué maintes et maintes fois, mais je dois vous avouer que nous n’y avons jamais rien compris...
    Pour pénétrer le sujet, il aurait fallu que nous puissions étudier et pratiquer au moins un ou deux dialectes locaux.
    Puis, ensuite, entreprendre l’étude du langage des gongs.
    Nous avons consacré nos loisirs à l’étude de la répartition géographique des ethnies locales, de leurs migrations et de leurs généalogies.
    Et puis, il faut bien le dire, la raison principale de notre présence en Afrique Centrale était la gestion d’une plantation de plusieurs milliers d’hectares de palmiers à huile, ce qui laissait peu de temps aux études ethnologiques.
    On ne pouvait être à la fois au four et au moulin.
   
    Je vous disais que nous n’y avions pas compris grand’ chose, le Révérend Carrington, lui, semble avoir compris.. enfin.. peut-être !
     
Le lilois

    Comment être certain de l’orthographe de ce moyen de transmission et même de sa prononciation ?   
    J’ai pris l’initiative de la transcription suite à ce que j’ai cru comprendre des explications qui me furent données en 1962.

    Nous, qui avons vécu en Afrique Centrale, nous avons parfois été invité à des fêtes villageoises.
    Assis sur les quelques chaises disponibles de la collectivité et qui nous étaient réservées par respect aux invités VIP, nous admirions un groupe de jeunes demoiselles à peine pubères, habillées de simples jupettes en raphia, le corps couvert de “ngola” (poudre rouge de l’arbre ptérocarpus soyauxii) et les cheveux soigneusement tressés et enduits d’huile de palme.
    Leurs pieds frappent le sol en cadence et quelques pièces métalliques fixées à leurs chevilles donnent le rythme de la danse.
    Certaines d’entre-elles ont, fixé sur les reins, un petit panier en roseaux, d’une vingtaine de centimètres de longueur, peut-être un peu plus, contenant des graines sèches ou des coquilles de cauris.
    Au rythme de leurs pas, la percussion est ainsi harmonieusement accentuée..
Tchic..   Tchic..   Tchic..
    Certaines d’entre-elles tiennent le petit panier entre leurs mains et l’agite suivant un rythme connu d’elles.. et des spectateurs, sauf de nous, évidemment.
    La foule, parfois, est prise d’un rire contagieux, incompréhensible pour nous, béotiens à la peau blanche.
    C’est qu’une de ces demoiselles, à l’esprit frondeur,  a gentiment brocardé un des visiteurs au regard parfois allumé.
    Elle a transmis à ses parents et amis ses impressions au travers du rythme des cauris.
    Qui parmi nous, naïfs invités, aurait pu croire qu’une transmission d’informations, de sentiments, de joie,  puisse se faire d’une manière aussi simple.
    Enfin.. simple.. tout cela est relatif.
    C’est léger, aérien, doux à l’oreille sans malice mais absolument imperméable à notre esprit rationnel.
   
  Conclusion

                                Il n’y a rien de plus trompeur
                                qu’une évidence !
                                                     (Conan Doyle - Sherlock Holmes)

    Nous, Belges, sommes restés en Afrique Centrale durant quatre-vingt ans.
    Nous avons, en collaboration avec les populations autochtones pacifié, exploré, inventorié, créé, développé les structures telles que les routes, les aéroports, les hôpitaux, les chemins de fer, les ports, les cités administratives.. etc.
    Nous avons établi des plantations, implanté des écoles, une structure médicale dense, des industries minières et manufacturières.
    Nous avons organisé le transport et des communications toujours à la pointe du modernisme.
    Moins rentable immédiatement, mais tout aussi important, nous avons essayé de comprendre nos interlocuteurs africains, leur mode de vie, leur approche de la nature, leur philosophie.
    Je ne saurais terminer cette conclusion sans citer le livre du Révérend Père Placide Tempels (S.J.) (1906 - 1977)  “La philosophie Bantoue “ (collection Présence Africaine 1949) qui a suscité chez les jeunes Européens tant de vocations africaines malgré les critiques de Monseigneur Félix de Hemptinne (Bénédictin)  -  (1876 - 1958) un autre grand connaisseur de la mentalité bantoue.
    Avec le recul des décennies, nous devons hélas, constater que nous n’avons fait que gratter, bien superficiellement, la réalité des choses.
    Combien de personnes, de cellules de recherches, actuellement dans le monde s’intéressent- elles encore à la transmission de messages par le gong ?
    Quelques dizaines ? Quelques centaines ?
    Je me réfère ici à la découverte de l’os d’Ishango: quelques stries, quelques pointillés nous permettent de supposer une civilisation, une connaissance, que nous, au XXI ° siècle, à l’aune de nos connaissances, supposons bien plus profonde qu’ envisagée.
    Tous ces mystères, ces énigmes remontant dans l’histoire à des siècles, voire des millénaires, s’estompent dans la brume du temps passé.
    Lorsque l’intérêt de la connaissance s’estompe, en linguistique dialectale, en ethnologie, ou plus techniquement dans le nucléaire, la  recherche n’est plus attractive pour les scientifiques et finit par tomber parfois totalement dans l‘oubli.
    Au loin, là bas, à l’horizon, au dessus du brouillard du temps, quelques pics devinés, neigeux, se fondant dans la couleur des siècles lointains, émergent et nous rappellent qu’avant nous, d’autres civilisations, d’autres approches profondes ont existé et auxquelles nous n’auront jamais accès.
    Qu’importe actuellement la transmission par le gong à l’ère du téléphone portable, de la télévision en mondovision, de l’informatique et de l’ Ipad !
   
    L’histoire, nous dit-on, repasse parfois les plats, mais ils ne sont jamais ceux d’origine: leur saveur est altérée par la modernité, les données de l’équation ont tellement changé  et quoique l’on fasse, la réalité, la vérité des choses du passé  ne pourront jamais être exactement retrouvée.
    Qu’en est-il des saveurs d’antan ?
    Nous devons essayer de retrouver les vieilles recettes de nos ancêtres; de nos aïeux, mais pas nécessairement revivre leurs expériences, car les saveurs de leur époques étaient parfois amères.. très amères.


                                                                       E.A.Christiane
                                                                  Bénissa, le 06.03.2012
 

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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 15:16



LIBERTE
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                                                                                            Va,pensiero
                                                                                        (Nabucco - Verdi)

    LIBERTE ! LIBERTE chérie !
   
    Trois syllabes scandées, chantées maintes et maintes fois par des foules en délire, par des hommes désespérés, un chant émouvant, qui remue les entrailles, qui chavire la pensée, qui emporte les sens et que je chante avec eux au plus profond de mon âme.
    Ce chant merveilleux emporté sur des ailes dorées se pose sur les pentes et sur les collines (va, pensiero - Nabucco) depuis des siècles, partout où il y a des hommes qui souffrent, qui aspirent à atteindre le plus beau sommet qui soit : la LIBERTE.

      Souviens-toi des jours de ta misère
                  (Nana Mouskouri - Je chante avec toi liberté)
   
    Rares sont les moments dans notre existence durant lesquels nous avons réellement joui de la vraie LIBERTE.
    Notre jeunesse a été martelée par les préceptes inculqués par nos parents        "Tu ne peux faire cela ..”,    “ Tu dois faire comme ceci...”.
    Puis durant notre scolarité, une longue suite d’obligations plus ou moins bien comprises mais impérativement suivies,  sous peine de sanctions nous ont formés, ont forgé notre caractère pour faire de nous ce que nous  sommes.
    Je peux le comprendre: nous étions, jusqu’à notre adolescence une matière molle, souple, plastique, flexible, maniable, à laquelle il était nécessaire d’inculquer un certain nombre de principes, qu’il fallait éduquer, à laquelle il était nécessaire de donner un chemin de vie pour nous permettre de nous intégrer à la communauté dans laquelle et pour laquelle un minimum de règles, de limites doivent exister sous peine de voir le chaos s’installer.
    Mais ensuite, parmi ceux qui ont fait leurs devoirs civiques, leur service militaire et plus tard, dans le cadre de la vie professionnelle, ont été témoins ou victimes de l’autorité de chefs dont la finalité des instructions était empreinte  d’autoritarisme mal placé, de mégalomanie, de tyrannie parfois, syndrome de leurs complexes ou symptômes de leur incompétence.
    Aucune logique, aucune explication non plus, et pour cause, ils avaient un galon de plus, ils avaient une responsabilité de plus, ils avaient  un pouvoir, une prépondérance, et par conséquent,  une autorité de plus et de laquelle ils abusaient parfois !
    On n’avait plus qu’à leur obéir sans discussion, mais souvent dans un esprit critique refoulé.
   

    Qu’aurions-nous, qu’aurais-je dû faire ?
    Douter, parlementer, remettre en question les décisions, critiquer les ordres, polémiquer ?
    Oui, vous avez raison, si j’avais été courageux, moins lâche, c’est ce que j’aurais dû faire.
    Mais quand on aime son travail, quand on aime le pays dans lequel on vit, quand on apprécie, quand on estime ses collaborateurs et surtout quand on a charge de famille, une femme et un enfant, on prend garde à ne pas déplaire à celui ou à ceux qui vous jugent et qui, sans espoir d’une quelconque procédure en appel peuvent mettre fin à vos espérances, à vos ambitions, à votre carrière en vous classant comme têtu, peu fiable, indiscipliné, insolent, effronté, irrespectueux.
    Nous, les chefs de ménage, lorsque nous vivons en couple,  nous avons des responsabilités matérielles et morales envers notre famille.
    Nous ne pouvons prendre de risques inconsidérés.
    Aussi, devant l’absurde et l’arbitraire, nous baissons les yeux, nous nous plions aux diktats sans sourciller, nous nous éloignons, tête basse, sans commentaires, et quoique  peu fiers de nous mêmes
   

    Ces considérations sont issues de mon expérience personnelle, mon expérience de salarié.
    Chacun a sa propre approche de la question, a sa sensibilité personnelle.
    Il est évident que quelqu’un qui a été travailleur indépendant toute sa vie aura probablement une autre opinion que la mienne.

    Mais cela me fait penser à ce présentateur de télévision qui interviewait un Président de la République Française qui, importuné par une question, lui imposa un  “ Taisez-vous Elkabbach!”.
    C’est mieux qu’un autre Président qui a écarté un importun par un : “ Casse-toi, pauvre con !”.
    Naturellement, tous les Présidents de la République Française n’ont pas les mêmes réactions.
    Charles de Gaulle, à qui on posait une question à laquelle il ne voulait pas répondre lors d’une conférence de presse avait répliqué : “Monsieur, cette question n’était pas prévue par le protocole”.
    De Gaulle avait de la classe, il avait aussi de l’éducation.
   
    Cela fait mal, très mal parfois cette perte de LIBERTE de critique, de parole, de pensée et si j’en parle aujourd’hui, si je m‘en souviens, vingt cinq ou cinquante ans plus tard, c’est la preuve que ces situations laissent parfois de bien cruelles cicatrices.
    De cela, j’ai souffert durant des décennies et le jour où j’ai pris ma retraite, j’ai dit à mon épouse: “ jamais plus je ne veux ouïr deux phrases que j’ai trop souvent entendues dans ma vie professionnelle: “ Je te défends de ...” et “ Tu dois...”.
     
    Mais ai-je le droit de me plaindre ?
    De tous temps, toujours la LIBERTE fut limitée, et la meilleure justification est que  la LIBERTE individuelle ne peut jamais empiéter sur la LIBERTE d’autrui.
    L’ancien testament, la Torah, édicte parait-il 613 règles dont 365 préceptes négatifs “ tu ne feras pas..” et 248 préceptes positifs “Tu feras..”.
    Quantité de peuples ont essayé de suivre ces principes avec plus ou moins de résultats.
    De quoi me plaindrais-je moi qui ai vécu dans une famille, dans un milieu où, je l’avoue je n’ai pas eu trop de contraintes.
    Et cependant .., j’ai quelques regrets, des raisons de soupirer à l’évocation de certains souvenirs teintés d’amertume, de dégoût, d’écœurement parfois, devant le manque de transparence, l’illogisme de certaines décisions, de certaines instructions, de certains ordres impératifs auxquels je devais me plier. .

    Quand tu es absente j’espère
                       (Nana Mouskouri - Je chante avec toi liberté)

    Aux yeux du bon peuple, la LIBERTE ne vient pas seule, elle engendre le bien-être, la richesse, une vie matérielle plus aisée, exempte non seulement de contraintes mais aussi de soucis.
   
    Pauvres gens !
    Souvent manipulés par des leaders politiques sans scrupules, ils ne savent pas dans quel piège ils se précipitent, ils voient  le côté rose et lumineux des choses, le leurre de la situation future et très souvent, trop souvent, le réveil est cauchemardesque pour ceux qui se retrouvent loin du sommet du nouveau pouvoir.
    Tout au long du siècle dernier, nous avons vu des foules défiler en scandant des slogans encensant le futur comme “aube lumineuse“, de” soleil se levant à l’orient”, d’un “renouveau flamboyant”.
    Même actuellement, j’ai le cœur rempli de tristesse lorsque j’entends parler  de l’espoir des peuples au sud de notre “Mare nostrum” et de leur “printemps méditerranéen”.
   
    Il y a un demi-siècle, ils se sont libérés de l’autorité étrangère dans un grand élan d’espoir, ils allaient être enfin chez eux, maîtres de leur destinée.
    Ils avaient un avenir radieux tellement doux,  dans lequel ils allaient pouvoir vivre heureux, prospères, et élever leurs enfants dans la sérénité et la dignité.
   
    Où en sont-ils ?
    Ils doivent envisager une autre révolution en espérant, sans parfois trop y croire, qu’elle leur apportera bien mieux que la précédente.
    Combien d’entre eux réalisent-ils qu’ils ont secoué le joug d’une dictature afin de préparer le lit d’une autre parfois pire que la précédente et qui apportera, dès les premières années, des exactions, des limitations à la LIBERTE et des frustrations.
    Ces germes d’une nouvelle révolution en appelleront une autre et encore une autre..
    Ils ont navigué en évitant Charybde à bâbord mais ne savent pas qu’ils se précipitent à tribord vers Scylla.
    Tous ne vont pas à la catastrophe, il faut l’espérer, mais combien d’entre eux feront naufrage ?
    L’histoire n’est pas un long fleuve tranquille, elle fait évoluer les civilisations par étapes, par à-coups dans, bien souvent, de cruels soubresauts.
   
    Nous les avons vu, en d’autres lieux,  il y a cinq décennies, défiler avec leurs peintures et leurs atours traditionnels, brandissant glaives, machettes et troumbaches, scandant des “uhuru” hystériques.
    Ils suivaient aveuglément un leader calculateur, intéressé, manipulateur, avec des objectifs personnels bien précis.
    Ils étaient convaincus d’avoir acquis enfin leur LIBERTE, leur bonheur futur pour eux et leur famille.
   
    Qu’en reste-il ?
    Il ne reste qu’amertume et déboires mais pas de regrets car en cinquante ans, beaucoup de choses s’oublient et l’expérience des parents ainsi que leurs souvenirs ne sont pas transmis aux enfants.
    Un problème de génération.

    Un de mes amis, africain, avait appelé son fils Joshua
    Il me disait, au début des années 1960 que lui, ne verrait pas la terre promise, mais que son fils vivrait bien mieux que lui dans la paix et la prospérité.
    Joshua a actuellement la soixantaine, il vit à Kinshasa, mais je doute qu’il vive dans un pays de cocagne où coule le lait et le miel.

     Je comprends qu’on meure pour te défendre
                       (Nana Mouskouri - Je chante avec toi liberté)

    Voici des siècles, certainement sept cents ans, depuis l’apparition des guildes en Flandre, nos aïeux et avant eux bien d’autres peuples avaient aussi souffert de leur quête de LIBERTE;
    Ils ont été surveillés, soupçonnés, accusés, interrogés,  embastillés, bannis, déportés, torturés et exécutés par le fer, la corde ou par le feu parce qu’ils osaient demander plus de LIBERTE, moins de contraintes, qu’ils puissent s’exprimer lors des prises de décisions pour la collectivité, un contrôle, une limitation à l’omnipotence de l’autorité en place qui se réclamait parfois de Dieu ou, souvent, autoproclamée.
    Parfois, ils ont réussi; un changement de régime a pu intervenir, mais la période transitoire a été souvent bien difficile à supporter.
    Combien de temps faut-il, combien de misères, de larmes et de sang ont été versé avant qu’une nouvelle structure soit mise en place ?
     Bien des années se sont écoulées, et ont été nécessaires avant que la France ne se stabilisée après 1789.
    Il a fallu quinze ans avant que la Russie puisse s’assumer après la révolution bolchevique.
    Jamais le nazisme n’a réussi à établir, ne serait-ce qu’un semblant de paix et de sérénité, pour finalement coûter quarante millions de victimes bien souvent innocentes.
    Et nous pourrions citer encore bien d’autres dictatures, qui, pavées de bonnes intentions, mais qui n’ont amené que souffrance et mort aux peuples auxquels elles avaient promis des lendemains qui chantent: au Congo, en Uganda, au Zimbabwe, à Cuba, dans le Sud- Est asiatique, en Asie centrale, en Amérique du sud, en Amérique centrale et dans bien d’autres lieux.
    Dans toutes les geôles, que ce soit les baraquements créosotés de la Shoah, dans le froid sibérien des gourbis du Goulags, à Cayenne ou, plus proche de nous, dans chacune de nos prisons, le soir, lorsque le couvre- feu est là, on pouvait et je suppose que l’on peut toujours,  entendre des murmures, des prières, des sanglots et le mot magique qui revient, souvent répété, celui vers lequel tout prisonnier aspire, le mot magique de  LIBERTE.

    Une fois, une seule fois, j’ai été privé de liberté et je me suis évadé.
    Je n’étais pas enchaîné, je n’étais même pas  derrière des barreaux, j’étais  seulement limité dans mes déplacements.
    C’en était trop, j’avais réfléchi, j’ai élaboré un plan, puis j’ai osé, j’ai risqué, et j’ai réussi.
    Si j’avais échoué, si j’avais  été repris, j’y aurais perdu la vie; je le savais mais la force qui m’a poussé vers la LIBERTE était trop forte.
    Je voulais pouvoir flâner à ma guise le long des trottoirs, regarder les vitrines.
    Je voulais pouvoir me promener dans les champs dans la campagne, écouter le pépiement des oiseaux, les doux murmures d’un frais ruisseau dans le sous-bois sans être épié par un policier, un gendarme, un commissaire politique ou un indicateur suspicieux, haineux, et, surtout revoir ceux que j’aimais et dont j’étais séparé depuis plus de six mois.
    Cette force, qui était en moi, m’avait obligé à prendre des risques inconsidérés; c’était comme une graine qui germe dans l’anfractuosité d’un mur, qui développe ses racines et qui finalement détruit, disloque la construction.
    J’étais jeune, j’étais fou mais poussé par une irrépressible envie de vivre librement..

   Je crois que tu es la seule vérité
   La noblesse de notre humanité
                (Nana Mouskouri - Je chante avec toi liberté) 

    Nous, Européens de l’Ouest avons quelques difficultés à comprendre ce besoin de LIBERTE.
    Nous avons l’avantage d’avoir forgé notre destinée démocratique depuis des siècles : après, nous l’avons vu, bien des déboires, bien des souffrances, bien des drames, du sang et des larmes.
    Mais nous avons élaboré un système complexe qui s’appelle démocratie, sensé nous mettre à l’abri des abus les plus flagrants.
    La vigilance est bien nécessaire: il y a des dérives, des faux pas qui nous menacent à chaque décennie.
    Actuellement, c’est la dictature de la majorité qui nous guette, car, en principe, la majorité décide des lois et de leurs applications.
    Qu’en est-il des minorités ethniques, confessionnelles, économiques ou sociales ou autres?
    Elles ont été protégées: en aucun cas elles ne peuvent être spoliées, écrasées, ni davantage encore  plus minorisées.
    Et je pense souvent aux palabres bantoues, dont le modèle est applicable dans de petites communautés, à l’échelon d’un village par exemple.
    On se réunit autant de fois qu’il  est nécessaire, et cela peut durer des jours, des semaines parfois, mais chacun finit par être convaincu que les décisions prises sont les bonnes.
    Elles ne sont pas décidées par la majorité mais par consensus, ce qui est une sorte d’unanimité.
    Il n’est guère possible de gérer un pays moderne, de plusieurs millions d’individus de cette manière.
    Nous avons un système représentatif dans lequel majorité et opposition peuvent jouer leurs rôles, mais des garde- fous existent afin que les minorités ne soufrent pas des décisions prises par- dessus leurs têtes.
    Il y a plus important que la démocratie: c’est le contrôle de la démocratie.

    Les chansons de l’espoir ont ton nom et ta voix
    Le chemin de l’histoire nous conduira vers toi
                        (Nana Mouskouri - Je chante avec toi liberté)

    Depuis deux siècles, des millions de migrants sont passés à l’ombre de la plus fameuse des statues qui domine  Ellis Island dans le port de New-York.
    Le flambeau de la LIBERTE éclairant le monde les avait accueillis.
    Ils venaient dans l’espoir d’une meilleure vie.
    Ils étaient pauvres, riches, instruits ou analphabètes.
    Ils parlaient toutes les langues et tous les  dialectes européens.
    Ils étaient pleins d’espoir en une vie meilleure, une vie de labeur, de dangers, d’imprévus.
    Ils avaient soif de LIBERTE.
   
    Qu’importe l’inconnu, la précarité, de toute façon là où ils allaient, devait être meilleur que là d’où ils venaient.
    Quant à la LIBERTE, nous l’avons vu, ce n’est pas un leurre, mais elle n’est jamais totale, c’est parfois un mythe, un espoir vers lequel chacun aspire, vers lequel, toute la vie chaque être humain fait converger ses efforts.
    Certains y arrivent mieux que d’autres mais personne ne peut jamais se proclamer totalement libre.
    Quel moteur pour l’humanité, plus puissant que l’amour, ce besoin de pouvoir se réaliser, de rêver de s’épanouir dans un contexte, une atmosphère de LIBERTE.

    Quand tu chantes, je chante avec toi liberté


                                                                                   E.A.Christiane
                                                                           Anderlecht, le 07.02.2012

       
   




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8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 16:26



                                                Une totale intégration

                                                            ====================



                                                                    
                                                                             Comme un poisson dans l’eau !

            C’est en 1961, que nous avons entendu parlé de lui pour la toute première fois, quoique, jamais, nous n’avons eu le plaisir de le rencontrer.
            C’était un homme encore jeune, probablement un peu plus de la trentaine à l’époque, peut être de nationalité belge, car il portait un nom à consonance néerlandophone, Bogart ou van den Bogeart, mais nous ne pouvons le certifier.
            Il s’était installé en brousse, dans un village à 70 ou 80 kilomètres de Yahuma, sur la route d’Opala.
            Il y avait construit sa hutte, bien entretenue, entourée d’une clôture soignée, une parcelle nette, balayée tous les jours, quelques caféiers, des bananiers doux, des papayers et quelques légumes.
            Il ne se livrait à aucune activité agricole ou commerciale, il était seulement là, vivant au milieu des villageois, des Ngandu, intégré, accepté comme un des leurs, sans complexe, heureux de sa vie simple et près de la nature.
   
            Le matin, à la pointe du jour, il sortait de sa case, pieds nus, en pagne, sa machette sur l’épaule droite, sa besace à son  côté et allait, comme les autres hommes du village, vers la rivière pour y faire sa toilette.
            Puis, tranquillement, il faisait un tour dans la forêt, relevant quelques pièges, pêchant quelques poissons naïfs, et rentrait dans sa parcelle avec une calebasse de vin de palme tout frais.
            Il y retrouvait sa ou ses compagnes qui avaient été dans le champs familial récolter quelques tubercules de manioc, des bananes plantains, une poignée de légumes locaux, peut être capturer une tortue égarée ou tué un serpent pas assez rapide, et qui s’activaient à faire bouillir la marmite du repas journalier.
            Parfois, il prenait son arc et son carquois et avait peut être la chance d’ embrocher un cercopithèque pas assez prudent avec une de ses flèches qu’il taillait lui-même.
            Un homme content, sans histoire, loin de sa civilisation, sans soucis de métro, de patron grincheux, d’impôts à payer, de factures à honorer, sans aucune ambition... une homme heureux.
            Les Révérends Pères de la mission ainsi que les Révérendes Sœurs, qui connaissaient bien et parcouraient régulièrement la région, n’en parlaient jamais, ne faisaient même jamais allusion à sa présence, on peut supposer que pour eux, il était une brebis égarée.
            Il vivait comme un simple villageois, un de plus dans cette petite collectivité à laquelle il était totalement intégré, parlant la langue, se pliant aux us et coutumes, se soignant à l’aide de la pharmacopée traditionnelle.
            Et le soir, il se joignait aux hommes du clan, un parmi les autres, sous la barza collective pour y discuter, échanger les potins de la vie du village.
            Un homme heureux, qui avait fait un choix.
   

                                                                                  Il était venu de nulle part
                                                                                  Il y est retourné

            Mais le drame n’était pas loin.
            Un jour d’aout 1964, une horde armée d’hommes se référant à Pierre Mulele et qui prétendaient imposer un ordre nouveau ont investi la région.
            Ils ont semé la terreur dans ce paisible village et ont arrêté et malmené ce pauvre homme qui n’avait strictement rien à se reprocher.
            Après plusieurs jours de calvaire, c’est devant le bureau du Territoire de Yahuma, qu’en compagnie d’une poignée de notables congolais, devant la population médusée qu’il a été passé par les armes.
   
            Que pouvait-on lui reprocher ?
            Il n’avait aucune autorité dans le cadre de l’administration, n’était pas militaire, n’était pas policier, ni riche commerçant, ni juge, ni chef de Groupement, ni même notable, il n’était rien, rien, sauf... qu’il avait la peau blanche.
            Il nous a été dit que juste avant d’être fusillé, il a demandé à ses tourmenteurs de prendre la parole.
            Cela lui a été refusé et il a été immédiatement exécuté.
            Les rebelles mulelistes savaient que si cet homme, aimé et respecté de la population, avait pu prendre la parole en dialecte ngandu, il aurait pu en quelques mots provoquer un mouvement de foule dont les nouveaux maîtres n’auraient pas été certains de pouvoir maîtriser.
   
             Pourquoi un jeune homme a-t-il laissé sa famille, ses amis, son village, ses habitudes ?
            Quel tourment a pu pousser un jeune de vingt ans pour ainsi tout abandonner et s’exiler volontairement au centre de l’Afrique ?
            Il est venu en Afrique, il y a vécu heureux et est resté en Afrique.
            Quels souvenirs a-t-il laissés ?
            Aucun à ma connaissance; si, peut être quelques enfants métissés qui sont actuellement des adultes vieillissants et qui, même s’ils étaient retrouvés n’auraient rien à nous dire.

            Seul nous pouvons encore vaguement nous  souvenir de lui et nous rappeler sa mémoire.
            Encore un secret de l’Afrique.

                                                                                         Antonio
                                                                                       03.06.2011
   

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 20:34

                                       Vesprée africaine
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                                                                                   A ... beaucoup.   

              S’il est un moment béni des dieux en Afrique ce sont les quelques trente minutes qui précèdent la chute du jour.
              Le disque du soleil, dans un dernier rougeoiement de gloire se hâte de fuir, de disparaître derrière la colline poursuivi par la nuit qui a déjà envahi l’autre horizon.
              C’est le moment où sur la terrasse, le planteur, le prospecteur, le territorial, l’isolé, savoure une boisson rafraîchissante confortablement installé dans un fauteuil en rotin, les pieds sur un tabouret.
   
              Le personnel de maison est rentré auprès de sa famille, et la sentinelle de nuit, si elle n’est pas en retard ne viendra qu’à la nuit tombée.
              C’est l’instant de solitude, de réflexion-, d’introspection, moment béni de fin journée.
              Peut-on oublier pareilles minutes lorsque la nature se réveille de son long engourdissement diurne, lorsque la fraîcheur relative fait une timide apparition, lorsque les moustiques commencent leur sarabande infernale, lorsque le crapaud buffle  pousse son premier coassement d’amour là bas au bord du marigot, lorsque moult insectes, cigales ou autres entreprennent de frotter leurs élytres en un long crissement qui durera toute la nuit.
              Au loin, parfois, le tintamarre d’une bande de garde bœufs qui rejoignent leur île, mission diurne accomplie.
              En tendant l’oreille peut-être aura-t-on l’occasion de saisir un furtif feulement, celui d’un prédateur en chasse.
              Il y a aussi les chevrotements inquiets du petit bétail qui se hâte de regagner l’abri de son enclos dans le village voisin ainsi que quelques grognements de chimpanzé occupé à améliorer son confort dans la canopée pour y passer la nuit.
              Et puis, aussi l’odeur de  fumée d’un feu de brousse lointain agonisant dans la fraicheur du soir.

              J’y étais lorsque dans la brume tremblotante au bout du sentier apparut une silhouette ondulante.
              Elle semblait flotter dans l’air, sans toucher le sol de ses pieds, ondoyant lascivement sous le poids de sa charge.
              Les folioles du palmier le long du sentier semblaient elles aussi s’effleurer au rythme de ses pas, doucement agitées par le petit vent du soir habitué de la savane.
              Mon cœur, lentement pris le même tempo, harmonie parfaite entre  les palmes, l’effet d’optique et l’ondulation de celle qui s’approchait, synchronisme de la nature.
              Elle a déposé son fardeau et est venue vers moi, à la fois sérieuse et déterminée.

              Comment résister ?
              Pourquoi résister ?

              Cette magnifique apparition venait de la source où elle avait été faire ses ablutions vespérales, son pagne, noué au dessus de sa poitrine était humide et ses épaules laissaient voir quelques gouttelettes d’eau, un oasis de fraîcheur après cette longue et lourde journée ensoleillée.
              J’ai plongé mon regard dans l’abysse de ses yeux, profonds, bruns foncés, ni consentants, ni entreprenants, ni ternes, ni triomphants, ni tristes, ni joyeux, surtout pas soumis, simplement présents, avec une petite étoile de compréhension et d’acquiescement: miroirs de l’âme.
              Elle savait qu’elle allait accomplir, depuis la nuit des temps, depuis que l’humanité existe, elle allait effectuer l’acte pour lequel la femme, dans toute l’acceptation du terme, dans tout le respect qu’on lui doit, a été créée.
   
              Puis attiré par ses épaules où de légers frémissements dus à la fraicheur du soir, parcouraient ces dunes si tentantes à l’odeur à la fois fraîche et légèrement capiteuse, je n’ai pu m’empêcher de m‘approcher, je voulais boire, boire et encore boire jusqu‘à plus soif à cette fraîcheur si délicatement parfumée,  j’ai posé un long baiser au creux de son cou dans l’espoir de m’imprégner de cette discrète fragrance  africaine, la respirer, la boire, la déguster.
              Elle s’est laissé faire, longtemps j’ai respiré sans pouvoir me pénétrer de ces subtils parfums.
   
              C’est à ce moment que son pagne s’est détaché et m’a révélé la splendeur de son corps.
              Une peau ferme, lisse, satinée, splendide et attirante, offerte à ma contemplation.
              Deux grappes mûres, parfaites, douces au toucher, consentantes, fières et palpitantes.

                                          Femme noire, femme d’ébène
                                              Pourquoi es-tu si belle ?
                    Quelle est la déesse peu jalouse qui t’a faites à son image ?
                           Et pourquoi tant d’émoi rien qu’en t’ admirant ?

              Sans nous quitter des yeux, sans échanger un mot pour ne pas briser le charme, nous nous sommes couchés.
              J’aurais voulu que cet instant dure une éternité.
             Nos corps ont pris le rythme de nos cœurs, longtemps, trop peu de temps, tout en scrutant nos âmes.
              Et lorsque le feu d’artifice nous a surpris, s’est déclenché, c’est à cet instant que les myriades d’étoiles du firmament se sont allumées.
              Ni mon souffle, ni ses gémissements n’ont pu les éteindre, elles sont restées témoins de notre plaisir, de notre bonheur, de notre langueur.

              Longtemps, nous sommes restés unis, sans bouger, les yeux dans les yeux; nous voulions prolonger ce moment de grâce,  je voulais pénétrer son âme comme elle m’avait autorisé à pénétrer son corps.
              Nous étions autre part, dans le firmament, dans une autre dimension, la terre, l’eau, le feu et l’air n’avaient, pour nous, plus aucune signification, nous étions dans la galaxie sous la protection des étoiles qui nous contemplaient.
              Notre éducation, les bons principes, la religion, la moral, les différences raciales, l’origine, tout cela était gommé, nous étions Eve et Adam, bercés par le flot d’un plaisir édénique.

                                                                               Non ! Je ne regrette rien !

                                                                                                            Antonio
                                                                                                         21.05.2011

 
           

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 12:20

Le Mont Nebo - Lieu mythique


    Il est des lieux mythique, chargés d’émotions et de symboles, qui, lorsque vous en êtes imprégnés, lorsque vous sentez toute la charge émotionnelle qui s’en dégage vous mettent dans un état très particulier.
    Je pense avoir déjà écrit dans un de mes textes, que j’ai souvent, en présence d’un de ces lieux l’impression d’avoir vécu le fait historique qu’il représente, tant j’en suis pénétré.
    Aujourd’hui, un couple de mes amis est au Mont Nébo, cet avancée minérale surplomban, depuis la Jordanie, les plaines fertiles et les déserts de l’actuel Etat d’Israël.

Une étape dans l’exode biblique
   
    Ce serait là, suivant la Thora, les récits légendaires, que se serait arrêtée la vie de Moïse, en vue la Terre promise sans qu’il lui soit permis d’y entrer.
    La tradition nous dit qu’il avait conduit son peuple dans le désert durant une longue période, fuyant l’Egypte et son pharaon pour atteindre la terre qui lui aurait été promise par Yahvé en personne (si l‘on peut dire).
    Légende ou réalité ? Qu’importe !
    Que le personnage ait réellement existé, que l’histoire soit vraie ou pas, cela n’a guère d’importance mais le fait est que tout un peuple y croit et que ce peuple, quoiqu’on puisse en dire a influencé notre culture méditerranéenne et bien au delà dans des proportions guères négligeables.
    Ils avaient errés longtemps en suivant le fanion de leur guide, et cette bannière est toujours là, du moins sa représentation, là où il est censé l’avoir définitivement abandonnée.
    Ce n’est pas une croix, celle-ci apparaîtra comme instrument de torture seulement huit à dix siècles plus tard.
    Non, , un long bâton, autour duquel est lové un serpent sensé protéger ceux qui le regarde contre morsures et piqures des prédateurs du désert, scorpions, serpents et autres araignées venimeuses.
    Nous connaissons ce symbole, c’est le caducée repris sur le pare-brise de nos médecins et aux vitrines des pharmaciens de notre quartier, un symbole qui date de plus de trente trois siècles.

   
Lorsque le glaive remplace les chaînes

    Mais ce n‘est pas au caducée que je pense, c’est à la symbolique du lieu.
    Ce peuple en fuite, esclave peut-être de pharaon ou en tous cas fatigué de ne pas avoir son autonomie, décide de prendre les routes du désert en quête d’une  terre qui leur aurait été promise.
    Ils arrivent à la croisée d’un chemin, ou plutôt à une frontière, ils vont quitter la montagne, ils voient à l’horizon les riches plaines, ou, du moins ils l’espèrent,  est sensé couler le lait et le miel.
    Ils doivent aussi abandonner le statut de fugitifs, d’esclaves en fuite, ils deviennent des guerriers, car cette plaine, cette terre, ils devront la conquérir par les armes, par la force, par la terreur peut-être mais certainement pas d’une manière pacifique.
    Tout un peuple qui, en quelques jours change de peau, abandonne son statut de gibier pour devenir chasseur.
    Quelle métamorphose !  Quelle foi en son avenir !

    Leur vieux chef sait qu’il ne peut y entrer , il s’assied, bénit se proches, se couche et rends l’âme, dit la tradition.
    Ce serait donc dans cet amoncellement de rochers qu’il devrait avoir été enterré.

    Son fils adoptif, le vigoureux Joshua prend le commandement, il va s’élancer à la conquête des riches villages, des florissantes agglomérations et des opulentes fermes de ce qui deviendra les deux royaumes hébreux, le Royaume de Juda et le Royaume d’Israël.
    Durant plus de dix siècles, ce peuple occupera le territoire du fond de la Méditerranée.
    Ce ne sera pas un long fleuve tranquille, il verra passer bien des guerriers, aura à livrer bien de combats, subira un exode de plus de quatre-vingt ans.
    Mais il sera aussi témoin du passage des idées, des techniques, il verra défiler toutes les muses et toutes les sciences.   
    Lorsque, en l’an septante de notre ère, il devra quitter cette terre, il devra subir une longue diaspora, il emportera avec lui toutes ces idées, toutes ces techniques et là où il ira, le long de la mare nostrum, en Gaule, en Afrique du Nord, et dans bien d’autres lieux, il ne pourra pas toujours acquérir de la terre, mais continuera à distiller des idées, des techniques, du savoir faire.

La terre autoroute de la connaissance

    Les peuples passent mais la terre reste, cette terre, idéalement située à la charnière de deux hémisphères, celui de l’Est et celui de l’Ouest continuera, jusqu’à notre époque à être le couloir inespéré de l’échange des idées.
    Devant mes amis, actuellement au Mont Nébo, s’étend, vers le Nord la plus grande épaisseur de ce que l’on a appelé le “Croissant fertile”, une allée, une voie royale qui passe entre les déserts, qui s’étend depuis Bassora jusqu’à l’actuelle bande de Gaza.
    Une terre qui offre à celui qui la parcourt asile et nourriture; convoitée depuis des millénaires, mais aussi autoroute des idées.
    C’est par elle que sont passées les idées de Confucius, de Lao Tseu, de Gautama mais aussi celles de Mao Zedong, c’est aussi par elle qu’est passé le “Zéro“ mathématique qui a permis le développement de la technologie; c’est au pas des caravanes des routes de la soie que sont venues les philosophies orientales, de Chine, des Indes et d’ailleurs.
    C’est au sein de ces terres qu’à été écrit la Torah et rédigés les Evangiles, mais aussi qu’à transité le Coran.
    C’est par elles que sont passés les balbutiements des mathématiques et de l’écriture, mais aussi l’épopée de Gilgamesh et le code d’Amourabi
   
    C’est aussi par là, venant de Bactriane, les guerriers de Darius mais aussi les idées de Zoroastre ont envahi la région et nous, venant du Nord de l’Iran,  nous, les
 Ariens avons investi la grande mer centrale.
    Nos civilisations dont nous sommes si fiers, l’hellénique, la romaine ne sont pas issues de générations spontanées, elles ont été alimentées par ces idées qui transitaient à leur portée et qui a permis qu’elles se développent.
   
    Mes amis voyageurs, quand ils regardent vers le Nord doivent avoir l’impression de se trouver devant le cordon ombilical qui les reliaient à leur mère.
    Non pas un filament informe et desséché, mais un cordon toujours vivant, charriant la vie et les connaissances.
    Pourront-ils s’en douter ?
    Combien je regrette de ne pas être à leurs côtés pour leur expliquer.
    De Kars, dans le Nord-Est de la Turquie à Madaba, un passage obligé durant des millénaires, des peuples, des caravanes, des envahisseurs emmenant dans leurs bagages techniques mais aussi idées et civilisations.

Quelques étoiles brillantes dans la profonde nuit noire.

    Mais, me direz-vous, a quoi a donc servi tout ce brassage intellectuel ?
    A asservir les populations, à les laisser dans un marasme économique en proie aux dictateurs les plus immondes ou à de fausses démocraties.
    Peut-être, mais il y a quand même quelques lueurs qui brillent discrètement dans ces ténèbres.
    Il y a quelques jours, j’ai eu le plaisir de discuter tout un après-midi avec un ami qui m’a expliqué rapidement la structure du groupe dont il fait partie.
    Ils se réunissent en loge et discutent , approfondissent des idées humanistes suivant des règles assez stricte, en ce sens que chacun a droit à la parole, à développer ses opinions sans être interrompus, dans un esprit de grande tolérance.
    A la fin de la séance, une synthèse est proposée sans qu’elle se transforme en dogme.
    Chacun peut donc rester maître de ses opinions mais a pris connaissance des opinions d’autrui et s‘est, de cette manière, beaucoup enrichi.
    Vous avez compris que mon ami est Franc-maçon.
    Mais ne croyez pas que la Franc-maçonnerie soit le seul lieu de rencontre pour ce genre de discussion./
    Il existe quantité d’ateliers du même genre, des associations qui se penchent sur les diverses formes de pensée humaine, les sciences, les arts, la littérature, la politique, la philosophie et beaucoup d’autres sujets.
    La qualité principale de ces ateliers est leur discrétion, aucune ostentation en général, des gens de bonne compagnie qui approfondissent les idées, qui les développent, qui les cultivent, leurs permettent d’évoluer comme une culture dans une boite de Petri.
    C’est grâce a eux que nous savons nous maintenir au dessus de la condition animale, que nous savons faire progresser la pensée au delà des réalités journalières.

Conclusion

    Pour revenir à mes amis voyageurs: Heureux qui comme Ulysse ..
    Quant à mes autres amis, ceux dont je viens de parler, heureux soient-ils eux aussi et encore plus que les autres, ils sont les témoins, ils observent, ils étudient les diverses phases de notre pensée, dans la plus grande discrétion, ils sont les jardiniers de ce qui fait que nous soyons humains, ils se réunissent dans un esprit humaniste et de grande tolérance, ils restent discrets et évitent le suicide orgueilleux d’Icare en évitant de briller auprès du soleil au risque de se brûler les ailes.


                                                                                                 E.A.Christiane
                       
                                                                                          Anderlecht, le 16.03.2011 

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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 08:32

 

 

Agrocarburant et économie rurale

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          Que de polémiques concernant l’éventuel remplacement partiel de l’énergie fossile par une énergie de meilleure alois !

          Déjà, il y a soixante ans, souvenez-vous du tollé généré par l’idée que l’on pourrait abîmer notre belle nature par la construction d’affreux barrages hydroélectriques tout en bêton.

          Puis ce fut le nucléaire et le spectre de la mort; même les éoliennes ont été critiquées parce qu’elles risquaient de perturber le flux migratoire des oiseaux, voire l’humeur des chats de la fermière voisine.

          Maintenant, on attaque de plus en plus les agro carburants qui généreraient une désertification de vastes territoires et la famine parmi certaines populations préférant consacrer leur énergie à la culture industrielle aux détriments des cultures vivrières.

          C’est à se demander si nous ne voulons pas systématiquement éviter, non pas de nous séparer, mais ne serai-ce que nous distancier légèrement de cet énorme lobby de l’énergie fossile, des Sociétés pétrolières et de leurs fournisseurs.

 

          A un moment de ma carrière en Afrique, je me suis trouvé devant un dilemme et ai dû envisager de trouver une solution à un problème à première vue, mais à première vue seulement insoluble.

          Et comprenez bien que, en toute modestie, si je vous en parle c’est que nous avions trouvé une solution.

 

          En novembre 1978, je venais d’être muté dans une plantation du Territoire de Budjala dans l’Ubangui, une plantation de 4.850 hectares d’hévéas en pleine production, un programme d’extensions avec obligation impérative de la part de mon employeur de faire de la production exportable.

          Lisez: payable en devises.

 

          Cette plantation avait été créée après la seconde guerre mondiale par une équipe d’ingénieurs agronomes qualifiés dont mon beau père faisait partie.

          Elle avait toujours été bien tenue, bien soignée, bien gérée par des techniciens qui connaissaient leur métier et dont certains venaient des Terres Rouges du Vietnam.

          C’est là que j’avais commencé ma carrière en 1955, j’y était resté jusqu’à mon mariage en 1958 puis, vingt ans plus tard, y avait été réaffecté en tant que Directeur-responsable.

 

 

Marasme économique de la petite agriculture locale

 

 

          Cinq ans après les mesures de zaïrianisation du Président Mobutu, la situation économique et spécialement l’économie agricole était au plus mal.

          L’huile de palme, par exemple qui était exportée en grande quantité ne sortait plus du pays, et la production locale suffisait à peine à couvrir les besoins de la population autochtone.

          Il s’avérait donc plus que nécessaire de générer des devises à l’exportation en augmentant la production de ce qui pouvait être exportable, le caoutchouc, le café, le cacao et le thé, par exemple.

          Nous produisions journellement 15 tonnes de caoutchouc d’excellente qualité demandé et très bien coté par les industriels du pneumatique les plus exigeants du marché mondial.

          Cela tournait, bien organisé: 3.000 travailleurs, agents de maitrise et cadres congolais et deux expatriés.

          J'étais directeur et avais à mes côtés un technicien originaire de la région de Charleroi, un homme d’expérience, très qualifié, il s’appelait Jean-Baptiste D.

          Cela marchait très bien.

 

 

          Mais, dans cette plantation, il y avait aussi une nouvelle usine à cacao, construite dans les années 1958 et jamais l’installation de la plantation n’avait suivi suite aux évènements et à l’instabilité politique des années 1960 et plus tard.

          L’idée initiale était de faire du cacao sous hévéas sur plusieurs milliers d’hectares (2.000 je pense), seuls 175 hectares avaient été plantés et produisaient bon an mal an une trentaine, voire une quarantaine de tonnes de cacao par an.

          Cette usine à cacao était nettement sous employée.

          Elle était cependant impeccable, des batteries de cuves de fermentation, deux gros Gordon drier de 5 tonnes chacun (séchoirs horizontaux), animés par deux moteurs Lister Diesel 6 cylindres (FR6), un trieur hollandais deVries et les cribles adéquats.

          Elle avait très peu servi et se trouvait là, en quasi stand by.

 

          Du café, cela n’est guère difficile à usiner, s’il arrive dépulpé, humide, à moitié sec ou sec, c’est très facile à traiter, un séchage complémentaire adéquat, un calibrage suivi d’un triage rigoureux et vous obtenez du robusta de très bonne qualité..

           Pour le cacao c’est un peu plus compliqué, le magma, extrait de la cabosse, mélange de fèves et de mucilage sucré, doit être mis en fermentation par cuves de 1,5 m3, la fermentation doit débuter par l’intermédiaire de saccharomycès (spores blanchâtres que l’on trouve entre autre sur les feuilles de bananiers), parfois, en début de saison la fermentation doit être amorcée par l’ajout de quelques kilos de sucre .

          Cette fermentation est d’abord alcoolique, elle doit faire monter rapidement la température à plus de 43°C pour tuer l’ embryon de la fève et éviter qu’elle ne germe, puis la masse en fermentation doit être aérée tous les jours pour évacuer le CO2.

          La fermentation alcoolique dure environ trois jours, puis elle devient acétique et doit être surveillée heure par heure afin de l’arrêter dès qu’elle risque de devenir butyrique.

          La fève est alors gorgée de liquide mauve-violet, bien dodue et prête à être séchée.

          C’est une technique que je connaissais parfaitement ayant déjà fait dans ma vie plusieurs milliers de tonnes de cacao de toute première qualité.

 

 

Du problème..

 

 

          Dans les environs de notre plantation il y avait des dizaines de fermiers congolais avec de modestes plantations de café et de cacao et ils se lamentaient parce que personne n’était plus là pour les conseiller et leur acheter leur production.

          Ils avaient soit créé leur petite plantation, soit avaient profité du décret Mobutu sur la zaïrinisation et n’étaient absolument plus encadrés ni techniquement ni commercialement.

          Ils voyaient dans un très proche avenir que la production de l’année allait se détériorer, allait pourrir sur pied faute de directives et de commerçants fiables pour acheter le produit.

          Tous les jours j’avais la visite de ces malheureux qui venaient à mon bureau me demandant de les aider, d‘essayer de trouver une solution à leurs problèmes.

          Pauvres gens, on pouvait les comprendre !

 

 

          En y réfléchissant, la situation n‘était pas sans issue: nous avions la technicité, nous avions le matériel, nous avions (certainement) l’accord de mes chefs de Kinshasa et de Londres, le seul problème était de trouver du carburant pour mettre tout cela en musique (pour faire tourner les séchoirs).

          Je savais que durant la seconde guerre mondiale, les Japonais, en Extrême-Orient avaient fait fonctionner des usines à caoutchouc avec de l’huile de palme comme carburant.. mais impossible de trouver de la documentation.

          J’avais aussi lu quelque part que la capacité thermique, énergétique de l’huile de palme était égale à 80 % de la capacité du mazout, mais avais aussi constaté que l’huile de palme était liquide à partir de 28°C; sous cette température, elle est figée, elle est graisseuse.

          Il était donc nécessaire de ne pas arrêter un moteur alimenté à l’huile de palme sinon tout le système d’injection (tuyauteries, pompe d’injection, injecteurs etc.) auraient été colmatés et auraient dû être totalement démontés et nettoyés.

 

          Une petite expérience au laboratoire de l’usine à caoutchouc m’a démontré que la viscosité, la fluidité de l’huile de palme était, à la température de 70 ° C environ identique à celle du mazout.

         

          Restait à avoir de l’huile de bonne qualité.

 

          Nous ne faisons pas d’huile, mais la plantation de Binga à 80 Km faisait de l’huile parfois à moins de 2 % de FFA ( AGl ou Acide gras libre).

          Il fallait éviter que l’acidité de l’huile n’attaque trop rapidement les injecteurs des moteurs.

          Bref, je me procure 10 futs d’huile de palme de la meilleure qualité possible puis je pose le problème à Jean-Baptiste en ce sens...

 

 

1.- Nous avons de l’huile de palme de bonne qualité

2.- Il faut la chauffer à 70°C sans consommer de carburant

3.- Il faudrait l’injecter dans le circuit mazout des lister par un système quelconque tout en coupant l’arrivée du mazout.

4.- Il faudrait en tous cas, arrêter les moteurs après avoir purgé totalement le circuit d’injection de toute huile de palme pour éviter un colmatage.

 

 

Penses-y nous en reparlerons.

 

 

A la solution

 

 

          Nous avons construit un réservoir en tôle d’environ 80 à 100 litres que nous avons placé au dessus des moteurs Lister (cela permettait un approvisionnement par gravité).

          Nous avons placé au fond de ce réservoir un serpentin s’échappant à l’air libre et branché, à l’admission, sur l’échappement des moteurs diesels, avec une vanne de réglage.

          De cette manière une partie (réglable) des calories issues du tuyau d’échappement des moteurs passait au travers de l’huile de palme et la chauffait jusqu’à température désirée et en plus gratuitement.

          Du réservoir, un petit tuyau amenait l’huile chaude vers le tuyau d’admission de mazout en amont du moteur.

          Nous y avions placé une vanne bidirectionnelle qui permettait soit d’alimenter le moteur en mazout soit en huile de palme.

 

 

Le jour J.

 

 

          Et un beau matin, nous avons chargé un séchoir Gordon avec 5 tonnes de café humide, nous avons mis le moteur en route avec le mazout, avons ouvert l’accès du gaz d’échappement vers le serpentin afin de réchauffer l’huile.

          Et lorsque après environ 30 minutes, l’huile fut à 70 ° C , nous avons croisé les doigts et avons actionné la vanne bidirectionnelle coupant le mazout et acceptant l’huile de palme dans la pompe d’injection.

          Le moteur tournait à 1500 tours/minutes; étant donné la capacité calorifique de l’huile, nous l’avons dit à seulement 80% de celle du mazout, je m’attendais à ce que le moteur perde de sa vitesse qui aurait du se stabiliser aux environ de 1200 tours/minutes.

          Cela n’était pas grave, nous aurions pu nous en contenter et jouer sur le régulateur de vitesse du Diesel.

          Un instant d’émotion ... et rien ne s’est passé, le moteur diesel à continué son petit bonhomme de chemin, aucune hésitation, aucune fumée suspecte à l’échappement, aucune vibration, tout est resté normal et nous ne l’avons pas arrêté durant 3 mois sauf pour faire la vidange du carter.

          Toutes les 500 heures (soit trois semaines) nous coupions l’arrivée de l’huile, nous laissions fonctionner le moteur au mazout durant une demi-heure afin de nettoyer les tuyauteries, nous faisons une vidange et nous remettions en marche.

 

 

C’était quasi de l’allégresse

 

 

          Immédiatement, la réussite de notre expérience s’est répandue dans la région et les réactions furent rapides, ce fut une grande liesse parmi les petits producteurs (le mot n’es pas trop grand) joie parmi nos amis paysans congolais qui ont commencé a amener des camionnettes, et des camions de produits, café, ou cacao à divers stade de séchage ou de fermentation.

          A Kinshasa, au sein de ma Société ce aussi un grand contentement d‘autant plus que nous n‘avions pas prévenu de nos intentions; j’ai reçu des ballots de sacs de jute, du fil a coudre les sacs (nous avions trouvé une machine à coudre les sacs de marque allemande Fischbein que nous avions remise en état) et aussi quantité de Zaïre/monnaie pour acheter ce qui nous était livré par les villageois.

          Mais ce qui intéressait surtout nos agriculteurs/transporteurs/hommes d’affaires des environs, ce n’était pas tellement de l’argent mais des textiles, des pièces de tissus, Utexco, Utexafrica et autres et nous verrons bientôt pourquoi.

          Il faut dire que j’ai obtenu quasiment tout ce que je voulais de la part de l’Administration centrale de la Société qui m’employait, un simple message télégraphique et la marchandise désirée m’était livrée trois semaines plus tard par le premier bateau.

          J’étais devenu l’enfant gâté mais aussi l’objet de quelques jalousies bien mal placées.

 

          Nous avons fait de cette manière plusieurs centaines de tonnes de cacao et de café entre décembre 1978 et mars 1979, le tout, naturellement, destiné à l’exportation.

          C’était, pour nous du travail intéressant car varié et sortant de l‘ordinaire: Jean-Baptiste surveillait ses machines et nos astuces et je négociais l’achat de la marchandise entrante, m’occupait de finaliser éventuellement la fermentation du cacao, d’estimer les temps de séchage par lots de la marchandise brute qui nous était livrée et qui nous arrivait à des degrés divers de fermentation (dans le cas du cacao) et d’humidité.

          C’était distrayant et surtout stimulant, il est vrai que nous étions encore jeunes.

 

 

Les voies du commerce sont impénétrables

 

 

          Généralement, les fermiers demandaient à être payés en argent liquide au niveau de 20 à 25 % de ce que je leur devais; le reste ils préféraient que je leur fournissent des textiles, pièces de tissus, pagnes, cotonnade, etc..

          Il faut vous dire qu’à cette époque, le textile zaïrois avait très bonne presse, non seulement dans le pays mais dans les pays avoisinant.

          De très bonne qualité, les dessins étaient modernes, les couleurs bien fixées et il n’y avait encore quasi aucune concurrence de la part des pays de l’Afrique de l’Ouest.

 

          Qui n’est pas curieux ne sait rien, je me suis renseigné sur la finalité de ce commerce.

 

          Les agriculteurs qui, possédant un camion (et ils étaient nombreux), chargeaient des ballots de tissus, complétaient leur chargement par quelques fûts d’huile de palme et acheminaient le tout à Bangui, capitale de la République Centre Africaine à seulement 400 kilomètres de piste de notre plantation.

          Comment se débrouillaient-ils pour passer l’Ubangui qui sert de frontière entre les deux pays... cela je préfère ne pas le savoir, ... la débrouille africaine.

          Ils revendaient leur marchandise à Bangui contre du bon argent CFA garanti par la France et ne subissant pas de dévaluation chronique... ou si peu.

          Cet argent n’avait pas cours du côté zaïrois, mais il était dans toutes les poches de ces Messieurs commerçants.

         

          A Bangui, ils se réapprovisionnaient en pièces de rechanges pour véhicules, carburant, batteries, pneus, amortisseurs, éventuellement l’achat d’un nouveau véhicule, quelques petites gâteries pour ces dames tels que bijoux et autres fanfreluches venant de Paris.

          Le surplus financier était ramené à la maison et servait de réserve monétaire solide dont la valeur ne cessait, au fil des semaines d’augmenter.

          Parfois, mon épouse demandait à l’un d’entre eux de nous acheter dans un supermarché français soit du vin de qualité soit quelques boites de foie gras... il ne faut se priver de rien.

 

 

          Finalement, cette production agricole générait deux fois des devises.

          Une première fois à l’exportation par la voie la plus normale en passant la douane à Matadi, et la seconde fois par une voie astucieuse connue de nos amis agriculteurs zaïrois qui revendaient la contrevaleur de leur production en devises fortes.

 

          Les voies de l’économie, comme les voies du seigneurs sont parfois bien impénétrables !

 

 

Un sentiment de satisfaction

 

 

          Ce sont des petites satisfactions de la vie coloniale; nous avons apporté notre brique au pays qui nous accueillait, nous avons sauvé la saison de récolte des paysans d’un demi territoire qui étaient enchantés.

 

          Les esprits chagrins pourraient certainement penser que le grand bénéficiaire ce fut la société qui m’employait... peut-être, mais que de joie dans le Territoire de Budjala cette année là.

 

 

          Cela se passait en 1978 , il y a 32 ans déjà

 

 

                                                                                                       E.A.Christiane

 

                                                                                         Anderlecht, le 08 mars 2011

.

 

 

 

 

 

 

 

   

 

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7 février 2011 1 07 /02 /février /2011 07:13

 

 

Haine et intemporalité

 

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           Parmi les sentiments humains, il y a ceux qui sont avouables, considérés comme des qualités, et qui sont parfois, souvent, mis en exergue, amplifiés lorsqu’ ils nous sont personnellement attribués ou qu’ils sont conférés à un défunt que nous admirions

          L‘amour, le don de soi, la générosité, l‘empathie, la bonté, la disponibilité sont des traits de caractères dont nous sommes fiers, dont nous espérons être largement dotés.

          Il y en a d’autres que rarement nous oserions avouer qu’ils font partie de notre personnalité, non pas dans le cadre de nos qualités, mais plutôt dans celui de nos bien vilains défauts.

          Il y a quelques jours, ou quelques semaines, je relisais quelques textes enfouis au fin fond de mon ordinateur et suis interpellé par deux d’entre eux qui, émanaient de deux correspondantes et qui tous deux parlent de haine.

          L’une écrit “ je te hais” en parlant d’une autre personne et l’autre écrit “je les ai haïs tous les deux”.

          Cela interpelle, ces haines sont elles définitives ou seulement des sentiments passagers, dus à la colère, à la déception et qui finiront par s’estomper, par perdre de leur acuité avec le temps ?

          Je peux aisément m’imaginer qu’une de ces dames, arrivée au crépuscule de sa vie, à la fin de sa journée sur cette terre, lorsque le soleil se couchera définitivement à ses pieds, se retrouvera seule, sur une longue route poussiéreuse allant vers son hypothétique futur.

 

Un colloque de fantômes

 

          Elle chemine, à son rythme, sans aucun état d’âme, elle est bien, soulagée de ses maux terrestres, elle n’est pas pressée, la route est rectiligne, blanche de poussière.

          De part et d’autre, un désert de sable couleur ocre, peu de pierrailles, aucune végétation, au loin, un horizon un peu moins monotone, quelques collines mais toujours cet environnement désertique.

          Elle n’a aucune frayeur, elle se sent étrangement en sécurité.

          Tout à coup, apparaissent deux personnages, ils viennent vers elle, ils sont très dissemblables.

         L’un, un noble vieillard, vêtus d’invraisemblables oripeaux d’un autre âge, l’autre son compagnon est en uniforme, orné de quelques discrètes décorations dont la croix de fer, fringant, botté, fièrement sanglé dans ses habits de général de l’armée allemande, képi impeccable, rasé de frais, sérieux.

          Il tient à la main gauche, coincé sous son aisselle un bâton de commandement, il respire l’autorité, la confiance en soi, une morgue toute germanique et s’avère rapidement être le Feld-maréchal Erwin Rommel, un des rares généraux de l’armée allemande auquel il n’aurait pas été reproché des crimes de guerre.

          Notre Dame, que nous appellerons Evelyne pour la facilité de la narration est un peu décontenancée.

 

          C’est le militaire qui lui adresse la parole:

-” Madame,, où étiez vous le 17 juillet 1944 dans la matinée lorsque ma voiture a été mitraillée, détruite, que mon chauffeur a été tué et que je gisais gravement blessé dans un fossé de Normandie ?”

- “ Je pense, Monsieur que j’étais chez mes parents, dans la cuisine, car il ne nous était pas autorisé de sortir de crainte de la mitraille ou des éclats d’obus de D.C.A.”.

 

          Rommel continue: - “ Et à quoi pensiez vous à cet instant ?”

- “ Je me disais: Vivement que les troupes alliées viennent nous délivrer et que cette horrible guerre prenne fin.”

 

          Le général : “ Pouviez-vous imaginer que moi aussi, ainsi qu’une bonne partie des soldats qui étaient sous mes ordres pensaient aussi qu’il serait souhaitable que les alliés mettent le plus rapidement fin à ce carnage ?”

Et Evelyne de répondre, funeste réponse s’il en est : “ Non Monsieur car à cette époque, je vous haïssais ainsi que vos semblables.”

 

          C’est alors au vieillard de prendre la parole.

          Il était vraiment d’un autre temps, sa main droite parcheminée était soutenue par un bâton élagué d’un improbable arbuste du désert.

          Ses haillons, étaient indescriptibles, vieux, sales, grisâtres, soutenus par une corde qui lui enserrait les reins.

          Il avait une barbe, non pas taillée ni fleurie, mais hirsute, sauvage, grise elle aussi avec des mèches rousses, brunes ou noirâtres, peu soignée, pas peignée, généreuse jusqu’à l’estomac.

          Sa chevelure, poivre et sel, elle non plus pas disciplinée, cachait ses oreilles, faisait penser à la canopée d’une quelconque forêt tropicale un soir de tornade.

          Sa face, ou du moins ce que l’on pouvait en voir était burinée, un nez sémite, des paupières plissées, crevassées par l’âge hébergeant deux pupilles d’un noir profond, pétillantes de malice mais aussi de bonté.

 

          Saint Pierre, puisque c’était lui dit:

-”Mon enfant, vous venez de dire que vous avez eu de la haine pour cet homme, mon compagnon de route, que vous ne connaissiez pas. C’est bien regrettable, mais je ne peux vous laisser entrer immédiatement dans mon paradis, vous devrez faire un stage d’une durée indéterminée et méditer longuement sur ce sentiment de haine qui vous a accablé. Ce stage vous le ferez dans un lieu appelé purgatoire et durera le temps qu’il faudra car la haine est le plus vil des pêchés capitaux.”

 

          Avant qu’Evelyne ait pu s’expliquer, négocier éventuellement, les deux personnages avaient disparus.

          Elle se trouvait devant une bâtisse, solide, en pierres taillées, un château de type médiéval, le portail, solide en deux vantaux de chêne épais, consolidés par de la ferrure faisait penser à un couvent ou mieux encore à une prison, mais comment parfois savoir différencier.

          Une petite porte s’ouvre et notre amie entre en ce lieu de méditation comme le disait Saint Pierre pour “un temps indéterminé”.

 

 

Intemporalité

 

 

         Rien de dramatique, me direz-vous, un peu de repos, un peu de méditation sur ses fautes passées n’a jamais fait de mal à personne.

 

          Le problème, la souffrance n’est pas à ce niveau, elle vient de cette petite phrase prononcée par Saint Pierre: “ Pour une durée indéterminée.”

          Priver quelqu’un de la notion de temps est probablement le pire des supplices.

          Impossible de faire un compte à rebours, de dire... “ encore autant de jours “ ... “encore autant d’années “ ... “encore autant de minutes”...

          Le temps n’a plus de valeur.

         

          Songez au prisonnier, enfermé dans sa cellule, sans fenêtre avec la lumière artificielle en permanence; il essaye bien de savoir où il en est en suivant le rythme et la composition de ses repas, mais s’aperçois rapidement que ce rythme est hypothétique et que la composition est aléatoire, il peut avoir deux fois de suite ce qu’il suppose être le repas de midi, puis trois fois de suite du café, qu’il présuppose être le petit déjeuner.

          Au bout de moins de deux semaines, après qu’il ait perdu, dans son ennui la notion de rythme de veille et de sommeil, il ne sait absolument plus où il en est dans le compte des jours.

          Il en est de même lorsque l’on suit un traitement de radiothérapie, fixé sur la civière, avec interdiction de bouger, si une crampe survient et que vous avez quelques velléité de bouger, une voix vous dit...“patientez“.... “encore un peu de temps” ... “c’est bientôt fini“. “.je vous en prie, ne bougez pas” ... “nous faisons notre possible” ... “courage“... c’est très bien mais combien aimerions nous qu’on soit un peu plus précis ... “encore deux minutes” ... “encore quatre minutes et trente secondes” ... “encore vingt secondes“...

          Il est alors possible au patient de se repérer en fonction de son rythme respiratoire, de ses pulsions cardiaques, mais sans point de repère , que faire ?

          Priver un être humain de la notion de temps est certainement la pire des souffrances, la pire des tortures.

 

          Alors, lorsque l’on nous parle de la béatitude pour l’éternité, je ne sais vraiment plus que penser.

 

 

                                                                                                 E.A.Christiane

 

                                                                                         Anderlecht le 06.02.2011

 

 

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 13:02

 

Pauvre Belgique ! Honte sur nous !

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            C’est toujours avec une certaine admiration que je pense aux pays que je pourrais qualifié d’orgueilleux, entre autre a deux d’entre eux un très petit et un très grand.

             Tous deux ont comme caractéristiques d’être pugnaces, têtus, accrochés à leurs objectifs, pas toujours tendres, conquérants, très critiqués mais fiers d’eux même jusqu’à parfois l’excès.

          L’un est situé au fond de la Méditerranée, l’autre outre Atlantique et chacun a comme particularité que sa bannière est inscrite du signe de l’étoile.

 

          Dès ce moment, je sais que je vais être critiqué, probablement avec raison, mais je pense que si j’avais eu le choix de ma nationalité à ma naissance, si toutes les conditions avaient été remplies j’aurais aimé être un de leurs citoyens, fier de lui-même, heureux de faire partie d’un Etat qui se respecte et sait se faire respecter quelques soient les critiques de leurs voisins même éloignés.

         

          Au lieu de cela, on m’a fait naitre dans un merveilleux pays, celui de la liberté, de la bonne chaire, de la démocratie, loin des diktats religieux ou racistes, mais qui a peur de lui-même.

          Après seulement quelques décennies de vie nous avons, avec brio surmonté la grande crise économique mondiale que fut la révolution industrielle.

          Sous la houlette de deux grands souverains, le premier, excellent diplomate, organisateur hors pair et le second, le visionnaire, nous nous étions, au début du XXéme siècle hissé sur la plus haute marche du podium des pays industrialisés de la planète.

          Notre prospérité, le respect que les puissances combien plus représentatives que nous nous témoignaient reposait sur deux piliers, l’ambition de notre souverain et le dynamisme de nos structures technico-financières.

          Ces deux atouts majeurs s’appuyaient l’un sur l’autre pour la plus grande renommée d’un petit pays qui avait à peine un demi-siècle.

 

“ Petit pays , petit esprit “

 

          Honte sur Toi, Léopold, le second de nos souverains d’avoir, dans un moment de colère, de déception, frustré que ton peuple ne suivait pas à la lettre tous tes caprices, qu’il s’instituait arbitre, critique, te rappelait que tu n étais pas un souverain omnipotent, que ton pouvoir était limité par la constitution, d’avoir fait un parallèle entre les capacités de l’esprit de tes sujets et la surface de ton royaume.

          Tu aurais du encourager ces entrepreneurs, ces financiers, ces aventuriers, ces militaires, ces centaines de bonnes volontés qui voulaient te suivre mais en y mettant certaines conditions

          Au lieu de cela, tu les as abaissés, tu les as insultés, tu les as avilis, tu es retourné cent cinquante ans dans le passé.

          Que craignais-tu?

          Que l’aura des entrepreneurs financiers de ton pays te porte ombrage ?

          Tu étais au sommet de ta gloire, tu avais négocié un coin de terrain au centre de l’Afrique que personne ne voulait parce que quasiment impossible à mettre en valeur.

          Tu as réussi grâce à ton entêtement, à ton caractère, à ta volonté d’ arriver et aussi au bon choix de tes collaborateurs.

          Pourquoi dès lors avoir pris ombrage de leurs qualités de gestionnaires, de ce qui faisait leur force, de ce qui faisait qu’ils pouvaient t’éviter de choir dans des abîmes financiers ?

         

          La Belgique a réussi sa colonisation mais a complètement raté sa décolonisation.

          Nous avions perdu, depuis la mort de notre second roi, tout orgueil, alors que nous nous en sommes bien tirés de deux guerres mondiales et d’une terrible dépression économique.

          Si, aujourd’hui, en parcourant l’Europe, vous demandez à la ronde qui a créé l’Europe, vous entendrez parler de la France, de l’Allemagne, parfois de l’Italie et si vous insistez, si vous le suggérez du Benelux ... “Ah oui, il y avait ces trois petits pays aussi”, mais peu penseront que le “Be “ de Benelux représente la Belgique.

          Chez nous, dans notre pays qui se souvient des grands hommes qui au lendemain de la seconde guerre mondiale ont élaboré ce qui allait devenir le germe, la graine de l’Europe, des financiers, des penseurs, des professeurs, des politiciens, des diplomates sauf peut-être pour les critiques .

Ah oui ! Celui là était un “tourne casaque” et l’autre “un affreux capitaliste bourgeois déguisé en ouvrier” et l’autre encore “un affameur du peuple” ou encore “celui qui nous a vendu aux Américains” etc..

          Alors qu’il y avait, à cette époque, comme maintenant encore une panoplie de personnages dévoués, déterminés et hautement qualifiés.

 

          Pour revenir à ces pays aux bannières étoilées, Israël et les USA, ils sont fiers de leur passé, ils sont critiques de leur présent, ils sont ambitieux pour leur avenir.

          Nous, en Belgique, nous ne connaissons pas notre passé, nous sommes autodestructeurs de notre présent et peu d’entre nous pensent que nous ayons encore un espoir de futur.

 

          Quel Bart en Flandres, quel Jef à Bruxelles, quel Louis en Wallonie oserait se proposer à dénouer le ruban doré d’un emballage cadeau afin se libérer l’énumération de ce que notre pays à fait de bien depuis 170 ans.

          Il sait qu’il déclencherait des rires, qu’il se ferait siffler, qu’il se ferait brocarder.

 

          Et cependant, il y a dans nos universités, dans nos villes, dans nos campagnes quantités de filles et de garçons intelligents, qui sont bourrés de bonnes idées, des futurs managers, de grands esprits dans le domaine de l’art, de technique, de la finance, de la philosophie, de la science pure.

          Ceux-là seront repérés par des institutions étrangères, on leur donnera la possibilité de se développer, on libérera des fond, on leur allouera un budget, on les encouragera, on leur donnera accès à toute la technologie moderne.

          Finalement, ils ne seront pas perdus pour l’humanité, leurs découvertes enrichiront le patrimoine mondial, amélioreront notre confort de vie, mais peu, bien peu d’entre elles paraitront sous le label “ Made in Belgium”.

 

 

          Shame, shame, shame ...

 

 

 

                                                                                                        E.A.Christiane

 

                                                                                                 Anderlecht , le 31.01.2011

 

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